Société d’Histoire d’Yerres |
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Yerres pendantla guerre 1939-1945L’occupation, la Libération |
Ont collaboré à la rédaction de ce texte :
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Le souvenir doit se perpétuer
La seconde guerre mondiale a meurtri bien des pays et bien des territoires. Yerres, comme beaucoup de villes et villages de France n’y a pas échappé, subissant quatre années d’occupation allemande.
Dans notre commune, le souvenir de ce conflit - durant lequel trente-deux de ses habitants sont « Morts pour la France » - renvoie notamment aux événements ayant entouré la libération de Yerres, qui a eu lieu le 27 août 1944.
Ce jour-là, les troupes américaines entrent dans des rues pavoisées, les drapeaux des nations victorieuses célébrant la liberté enfin retrouvée ! Quatre Yerrois engagés dans la Résistance intérieure perdent la vie en héros durant les événements précédant immédiatement la libération de leur ville.
Nous célébrons en 2024 le 80e anniversaire de cet événement marquant de l’histoire de Yerres, que la Commune, les associations patriotiques et les habitants commémorent chaque année avec gravité autour du monument aux morts.
La Société d’Histoire d’Yerres nous propose à cette occasion une nouvelle publication sur cette page douloureuse de notre histoire, à partir de précieuses archives locales, méticuleusement analysées et mises en perspective. Que toutes celles et tous ceux qui ont contribué à ce remarquable travail en soient ici chaleureusement remerciés.
À l’heure où les ultimes survivants de cette époque nous quittent peu à peu, il est important que se perpétue le souvenir de ces heures terribles mais néanmoins pleines d’espoir.
Bonne lecture à toutes et tous !
Olivier CLODONG
Maire de Yerres Conseiller départemental de l’Essonne |
Préface
Le texte que vous allez lire a été écrit par les sociétaires de la Société d’Histoire d’Yerres. Nous avons pensé que la célébration du quatre vingtième anniversaire du débarquement en Normandie était une bonne occasion pour rappeler aux Yerrois que leur ville a été soumise à l’occupation allemande pendant un peu plus de cinq ans.
Il est vrai que cet anniversaire n’a pas le prestige d’un centenaire comme celui que nous avions commémoré il y a dix ans. Mais le temps passe et il vaut toujours mieux marquer l’instant que repousser la célébration des événements à plus tard. Demain est un autre jour ! Et puis, le temps du témoignage vécu existera-t-il encore dans vingt ans ?
Nous avons essayé de ne rien oublier et d’écrire vrai ! Nous n’avons rien exalté, ni rien caché de cette période difficile. Nous avons seulement voulu raconter en évitant soigneusement de juger comme le demandait le grand historien Marc Bloch : « Ne jugez pas ». Notre société est d’histoire, ce n’est pas un tribunal. Chacun pourra porter le jugement qui lui semblera bon.
Le 27 août 1945, Yerres était libérée par une unité de la IIIe armée américaine, armée commandée par le très célèbre général Patton. Ainsi se terminait le cauchemar de l’occupation allemande après un peu plus de cinq ans de présence de l’occupant.
Ce petit opuscule a pour but de relater les principaux événements que notre ville a connus pendant ces années noires. Sa taille, forcément ramassée pour des raisons d’édition, ne nous permettra pas de tout évoquer, le site de la Société d’Histoire d’Yerres vous apportera dans les prochains mois les compléments nécessaires d’une histoire que nous voulons plus exhaustive.
Pour retrouver l’époque, nous avons épluché les archives, nombreuses, d’abord celles de notre commune, mais aussi celles de l’Essonne, très complètes, des Yvelines, les Archives Nationales et celles du Service Historique de la Défense. Nous avons volontairement omis les références documentaires qui auraient alourdi un texte déjà dense, mais on les retrouvera dans la version finale.
Des Yerrois, certains encore parmi nous aujourd’hui, d’autres disparus, ont apporté leurs témoignages et nous ont remis des documents. Nous remercions particulièrement : Mmes Denise Loubet-Prospéro, Pernette, Paternoster, la famille de Kerland, Didier Leroy, Véronique Roncin-Gossiôme, Philippe Koehl. Grâce à Didier Leroy, nous avons eu accès au journal de Grégoire Nicolas Finez, artiste peintre alors en résidence à Yerres.
Un très grand merci à Mme Marotta, en charge des Archives d’Yerres, qui a toujours répondu à nos multiples demandes de consultations avec compétence, rapidité et… bonne humeur.
Bonne lecture !
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Yerres au début de la guerre
Une enquête de la Feldkommandantur de Versailles effectuée en septembre 1940 nous donne les principaux renseignements sur la ville. Reflet de l’organisation allemande, l’occupant demande aux maires une description très fouillée et chiffrée de leurs communes.
Yerres, en 1940, est une ville moyenne de banlieue parisienne. Elle a connu une croissance assez rapide 2300 habitants en 1921, 3800 en 1926, 5200 en 1936 et, déjà, des lotissements sont apparus. Elle appartient au département de Seine-et-Oise, sous-préfecture de Corbeil et canton de Villeneuve-Saint-Georges. Elle n’est ni vraiment agricole, ni industrielle, bien qu’elle ait compté une filature (Laines et Tricots BZ.F) sise dans l’ancienne abbaye, locaux qui semblent avoir été occupés jusqu’en 1940 par les établissements Duverger.
La superficie cultivée (incluant les jardins) est de 450 hectares environ et la culture de la vigne ne compte plus que pour un demi-hectare, mais il y a 6 hectares de maraîchages, notamment rue de Concy et seulement une vingtaine de personnes utilisée dans l’agriculture pour cultiver blés et fourrages sur une quarantaine d’hectares.
Elle ne compte d’ailleurs que trois grandes fermes (Henry, Paternoster, Crouillebois) et produit seulement la moitié du lait et quelques pour-cent des pommes de terre dont elle a besoin. Il n’y a pas d’abattoirs mais deux "tueries" particulières.
Il y a de très nombreux commerces : 18 épiciers, 7 bouchers-charcutiers, 5 cordonniers, 5 boulangers, etc. et… 18 cafés.
En revanche, les grandes propriétés bourgeoises sont toujours présentes et amènent ce qu’on appellerait aujourd’hui des activités de service ; il y a, par exemple, 2 menuiseries et 13 maçons. De nombreux artisans sont présents à Yerres, mais nombre de Yerrois travaillent en dehors de Yerres, à Villeneuve-Saint-Georges dans les ateliers de la SNCF, mais aussi, déjà, beaucoup à Paris.
Les relations avec la capitale se font toujours majoritairement par le train via les gares de Montgeron, de Brunoy ou de Villeneuve-Saint-Georges.
Un service de car (les cars Martelet, notamment) relie quotidiennement et plusieurs fois par jour notre ville aux communes avoisinantes et à Paris. La ville compte deux cinémas de chacun environ cent places.
Juste avant la guerre, la commune comptait 281 voitures individuelles, 7 cars, 12 camions et 5 pompes à essence. Deux garages assurent les réparations. Yerres compte 158 abonnés au téléphone (qui n’est pas automatique, numéro de la mairie le 26 à Yerres), mais aucune banque.
La ville abrite un préventorium (centre Calmette) de 128 lits, deux médecins de médecine générale et trois dentistes. La population scolaire est importante : vingt et une classes avec autant d’enseignants où se retrouvent 370 filles 270 garçons. Enfin Yerres dépend de la police d’État de Brunoy et de la gendarmerie de la même ville. Contribuant à l’hygiène publique, la ville possède des bains-douches.
En conclusion, une petite ville à la croissance relativement rapide, déjà gagnée par l’urbanisation de ses zones périphériques, mais qui a gardé encore intactes beaucoup des belles demeures des siècles passés.
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Les événements de 1939-1940
La France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne hitlérienne le 3 septembre 1939 pour venir en aide à la Pologne envahie par l’armée allemande le 1er septembre précédent. Les Yerrois mobilisés rejoignent leurs corps d’affectation en fonction des dates d’appel qui figurent sur leur livret militaire.
Pendant neuf mois, ce qu’on appellera « la drôle de guerre », il ne va rien se passer sur le front français si ce n’est une petite opération en Sarre destinée à soulager les Polonais et vite terminée.
Le 10 mai 1940, la Wehrmacht franchit la Meuse à Sedan et les unités blindées allemandes foncent vers les côtes de la Manche coupant en deux les armées françaises dont une petite partie est évacuée par mer à Dunkerque. Puis les forces allemandes envahissent la France. Paris, déclarée ville ouverte, est occupée le 14 juin 1940. Un gouvernement du maréchal Pétain à Bordeaux demande l’armistice qui est signé à Compiègne le 22 juin 1940. La France est coupée en deux avec une zone occupée au Nord, dans laquelle se trouve Paris et donc Yerres, et une zone dite libre (ou encore "nono" La République Française (Liberté, Égalité, Fraternité) devient l’État Français (Travail, Famille, Patrie).
Le 11 novembre 1942, après le débarquement allié en Afrique du Nord, la zone libre sera à son tour occupée par l’armée allemande, mais un gouvernement français subsistera à Vichy, cette fois directement sous l’emprise allemande. Pendant toute la guerre, l’administration française restera en place et continuera à gérer le pays, mais sous directives allemandes.
Nous ne connaissons pas la date exacte de l’arrivée des premiers allemands à Yerres, probablement après l’occupation de Paris. L’occupation commençant, semble-t-il, dans la dernière quinzaine de juin.
Le 14 juin 1940, jour où Paris est investi, le tout nouveau pont sur la Seine (il a moins d’un an d’existence) à Villeneuve-Saint-Georges saute avec l’ancien, toujours en place, qui ne servait plus que de passerelle pour piéton. On ne peut plus passer sur la rive gauche de la Seine. Petit à petit, les difficultés de circulation dues aux contrôles de l’occupant et au manque de carburant vont restreindre les déplacements des populations que l’exode avait jetées sur les routes. Elles vont revenir, quelquefois aidées par l’armée allemande.
À Yerres, comme dans les autres villes de la banlieue parisienne, la vie semble s’arrêter ou presque, une grande partie des hommes est prisonnière en Allemagne, l’activité économique est suspendue et le chômage général rend la vie des familles très difficile. Les Yerrois vont devoir s’adapter pour survivre.
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La vie municipale de 1940 à 1944.
Elle a été compliquée et encore plus chez nous que dans de nombreuses communes aux alentours. Quelques mois avant la déclaration de guerre, le conseil municipal issu des élections de 1935 est toujours en place. Le maire élu le 17 mai 1935 avec vingt-trois conseillers municipaux est M. Léon Teillac. Plutôt de centre gauche, le conseil compte vingt-trois conseillers dont deux inscrits au Parti communiste français.
Après la signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939 à Moscou, le président du Conseil d’alors, le radical Édouard Daladier, dissout le 26 septembre 1939 le Parti communiste. Un article de la loi permet aussi de suspendre les conseillers communistes des communes et de remplacer les conseils par des "délégations spéciales".
Par suite d’un blocage de l’action municipale par une minorité du conseil, et pour d’autres raisons qui touchent à la vie privée et que nous ne pouvons évoquer ici, le 27 janvier 1940, le conseil de Yerres est « suspendu jusqu’à la fin des hostilités ». Il est remplacé par une délégation spéciale comme dans beaucoup d’autres communes de la banlieue parisienne, par exemple Villeneuve-Saint-Georges, ville où la municipalité est entièrement composée d’élus communistes.
Cette délégation va compter seulement trois membres nommés par le préfet (en fait le ministre de l’Intérieur, M. Georges Mandel) : M. Perrault, instituteur retraité radical, président, M. Mailliet, commerçant retraité, radical, membre, M. Cordier, enseignant en retraite, sympathisant socialiste, membre. Aucun de ces membres n’a exercé un mandat électif quelconque avant cette date. Cette délégation est de la couleur politique du gouvernement en place, c’est-à-dire radicale, et c’est elle qui va devoir affronter les premières difficultés de l’année 1940. Voilà sa déclaration aux Yerrois à sa prise de fonction :
…la délégation spéciale ne fera pas de miracles. Elle défendra avec énergie les intérêts de la commune. En toute circonstance elle s’efforcera de concilier l’intérêt général avec l’intérêt légitime de chacun. Soyons calme, unis, disciplinés pour gagner la guerre qui nous a été imposée. Quand la paix sera revenue, la vraie paix, la paix victorieuse, la France terre de liberté, la France laborieuse saura assurer la prospérité et maintenant au travail !
Presqu’une année plus tard, le 22 juin 1941, nous sommes cette fois sous Vichy, un nouveau conseil est installé (donc toujours non élu) par le régime. Il est composé cette fois de vingt membres choisis par le préfet, mais M. Perrault continue à présider ce qui reste une délégation ; pour simplifier notre propos nous lui donnerons cependant l’appellation de maire. On y retrouve cinq conseillers qui ont fait partie du conseil de 1935 comme MM. Gerbé et Genest.
C’est ce conseil qui va gérer la ville d’Yerres jusqu’en 1944, gestion très difficile du fait de l’occupant, de Vichy, qui a une certaine philosophie de l’action publique en phase avec l’idéologie du régime : « La Révolution nationale », des pénuries de toute sorte, de la captivité ou de la déportation des habitants (Juifs, résistants, prisonniers), etc.
La Libération, comme nous le verrons, ouvrira un nouveau chapitre de l’action communale et, pour d’autres raisons, il sera aussi compliqué que le précédent. Nous l’évoquerons plus loin.
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Exode et réfugiés
À l’approche de l’armée allemande, les Français, essentiellement les citadins, vont quitter leur domicile. Deux raisons en sont la cause, d’abord la peur des combats qui, on le sait, n’épargnent pas les civils - ce sera le cas en 1940 avec le mitraillage des colonnes de réfugiés par l’aviation allemande - ensuite, les rumeurs qui refleurissent comme dans toutes les époques antérieures sur les atrocités commises par les Allemands. C’est l’exode !
Entre six et huit millions de personnes, jeunes, vieux, curés, bonnes sœurs, pompiers, y compris les fonctionnaires nationaux et communaux, les services publics en général, prennent la route, cap au Sud, embouteillant les itinéraires et compromettant les tentatives de l’armée française de résister face à l’envahisseur. Le scénario est le même que celui des époques précédentes. Depuis les invasions de 1814, puis en 1870, en 1914, les Français fuient devant l’ennemi. Mais en 1940, les volumes de population sont beaucoup plus importants. C’est le sauve qui peut ! L’Exode avec un grand E. Ce sont les Belges et les Luxembourgeois qui ont donné le signal et le flot grossit des nouveaux arrivants.
Nous avons deux témoignages, d’abord celui du peintre Finez qui habite rue Raymond Poincaré, pas très loin de la ferme de M. Henry, dont il est un ami, et celui de Mme Prospéro. Voici, d’abord celui de Mme Prospéro.
« …deux colonnes avançaient de part et d’autre de la route. Au milieu, quelques rares autos bondées. Des chariots tirés par des chevaux, quelques vélos… Les misérables gens, fatigués, certains poussant une brouette, dans laquelle on avait installé quelque vieillard, d’autres poussant des voitures d’enfants. C’étaient de bien malheureuses et misérables personnes, fatiguées, harassées. Ces gens, nous a-t-on dit, venaient à pied de l’est de la France. Des voitures avançaient lentement, mais maman nous a dit "elles n’iront pas très loin, il n’y a plus d’essence". Il y avait aussi quelques camions bourrés de toutes sortes de choses, de caisses, de matelas, de ballots, etc. Quelque temps plus tard, la même chose s’est reproduite : là c’était la déroute de l’armée française. Les soldats étaient sales, fatigués, épuisés. Ils marchaient sans ordre, en débandade. Ils se traînaient comme les civils que nous avions vus passer. »
« Petit à petit, les gens de Yerres ont pris peur à cause de l’arrivée imminente des allemands - beaucoup - la plupart des Yerrois ont quitté leur petite ville - à la fin, il ne restait presque plus personne. Dans le centre-ville, il ne devait rester qu’une quinzaine de personnes environ… »
Finez, d’une plume alerte, décrit les tableaux qui se déroulent sous ses yeux :
« …devant chez nous c’était le défilé ininterrompu des fuyards qui, depuis le 9 juin ne cessaient de déferler. Nous avions vu passer des villages entiers, toute la ferme de Blanc-Mesnil avec 50 têtes de bétails était passée…tout le monde fuyait sur Melun…descente de la côte des Camaldules de la foule des fuyards le spectacle devient inquiétant… nombre de charrettes, de tombereaux passent en portant des familles entières, l’une d’elle attelée de trois chevaux et surchargée de personnes de tous âges s’affaisse devant chez nous…un cheval est tombé dans la descente. Nombreux accidents dans la descente des Camaldules, les fuyards ne s’attendant pas à cette descente rapide et dangereuse…Défilé ininterrompu des paniquards, froussards, trouillards. »
Et Finez voit passer ce qui reste de l’armée française :
« Une dizaine de jeunes soldats avec ou sans arme mais tous à bicyclette à l’allure blasée mais plutôt gaie se dirigent vers Brunoy où ils disent avoir rassemblement à la Pyramide. "Vous en faites pas" disent-ils "la guerre est finie. Les Allemands sont à Paris et Paris est ville ouverte." »
« Le soir, la débâcle, tout un régiment passe devant chez nous, la vraie déroute, hommes harassées de fatigue ne disant plus rien, triste et navrant défilé dans la débandade de toute une troupe qui continue à défiler toute la nuit… »
Spectacle qu’ont connu toutes les villes françaises, surtout au Nord de la Loire. Les deux tiers de la population parisienne intra-muros quittent la ville.
Beaucoup de Yerrois sont évidemment partis et là aussi Finez nous éclaire. Lui et son ami Henry vont beaucoup tergiverser. La foule, qui défile devant chez eux, les invite à quitter rapidement les lieux, mais Finez voudrait bien avoir un ordre d’évacuation et après de nombreuses hésitations (il a préparé sa charrette au cas où), les deux familles décident de rester (Henry a ses vaches et peut difficilement les abandonner).
Ce ne sera pas le cas pour tous les Yerrois. Finez écrit pour la journée du 14 juin :
« …pas d’ordre d’évacuation de parvenu mais la receveuse des postes et ses employés étaient partis à minuit ce qui avait entraîné tous les commerçants de la commune, les 3 boulangers, les bouchers, les charcutiers à l’exception de Mme Charles, tout le monde avait fui … Je trouve M. Perrault président de la délégation spéciale qui me dit "restez !" Et il ajoute : Les maîtres fuyant, les valets suivent… »
D’autres Yerrois sont donc partis, mais, à part ce que nous dit Mme Prospéro, nous n’avons aucune évaluation précise de l’importance de ces départs. Retenons également que les cars Martelet ont été utilisés dans l’exode de la population yerroise à l’aller comme au retour ; ils ont même connu quelques mésaventures !
Le maire est toujours présent, ce qui est tout à son honneur, beaucoup de ses semblables n’ayant pas hésité à abandonner leurs administrés, y compris le secrétaire de mairie M. Thomas. Qu’en est-il des personnels communaux ? Un certain nombre d’entre eux ont quitté leur poste et ont fui la ville sans en avoir reçu ni l’ordre, ni l’autorisation. À leur retour, des sanctions ont été prises à leur encontre. Ce sont neuf hommes et six femmes qui sont revenus après quinze jours à trois semaines d’absence, soit une quinzaine de personnes, ce qui est beaucoup - près de cinquante pour cent – qui seront sanctionnées. Yerres, à l’époque, ne comptait pas plus d’une quarantaine d’employés municipaux, pas tous à plein temps d’ailleurs.
Le président de la délégation avait de sa propre autorité révoqué six employés communaux, le préfet lui rappellera le 5 août 1940 qu’il lui aurait fallu réunir une commission de discipline pour statuer sur leur cas.
Le président se justifie en répondant au préfet que la population yerroise manifeste une grande hostilité envers les fuyards dont certains « sont partis en emmenant avec eux la voiture des pompiers…ils sont accusés aussi d’avoir volé de l’essence » et il ajoute : « De plus, dès avant la guerre, certains employés s’étaient déjà rendus insupportables du fait de leur attitude arrogante à l’égard du public ». L’ambiance ne semble pas avoir été toujours sereine à Yerres avant la guerre au sein de la commune !
Les coupables reviendront et la voiture des pompiers retrouvera, intacte, son garage ! Les sanctions sont modestes : privation de traitement pendant la durée de leur absence, soit de huit à quinze jours.
Il y a beaucoup d’étrangers à Yerres au début de la guerre, mais aucuns d’entre eux ne semblent être des personnes déplacées par la guerre. Dans l’enquête menée par la Feldkommandantur de septembre 1940 on décompte 23 Italiens, 23 Polonais, 3 Russes, 2 Chinois, 2 Allemands et un Finlandais. Ils habitent Yerres et ne sont donc pas des réfugiés arrivés récemment. Le nombre important d’Italiens reflète la forte immigration italienne en France, essentiellement pour des raisons économiques, entre les deux guerres. Le document ne parlant que "d’étrangers" sans préciser s’ils sont français (et étrangers d’origine) ou non, il est possible que ces Yerrois d’adoption aient conservé leur nationalité ; c’est une certitude pour certains.
Il ne semble pas que des réfugiés de l’exode se soient arrêtés longuement à Yerres et y soient restés pendant les années de guerre. En septembre 1940, il y a cependant « 24 réfugiés du Nord » nous dit le recensement exigé par la Feldkommandantur. Leur présence n’est peut-être que transitoire. Une autre note du 11 mai 1945 précise cependant qu’il existe encore à cette date dans la commune dix-huit réfugiés « civils » sans que l’on connaisse ni leurs dates d’arrivée, ni leurs origines.
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L’occupant
Nous ne savons donc pas exactement à quelle date les premiers Allemands sont arrivés à Yerres, très probablement dans la seconde quinzaine de juin 1940. En effet, quelques indices nous montrent que le maire a rencontré l’occupant pour la première fois le 17 juin 1940. Mme Prospéro nous décrit l’arrivée des Allemands sans nous donner la date :
Puis les Allemands sont arrivés à Yerres. Ils défilaient dans la rue, devant l’Hôtel de la Poste, par une belle journée. Ils étaient jeunes, arrogants, fiers, disciplinés, bien vêtus. On les regardait passer, musique en tête, que faire ? On les a subis.
Le peintre Finez verra passer des Allemands sur la nationale 19 devant Grosbois seulement le 18 juin : camions bondées de soldats allemands nu têtes arrivant sur Paris à toute allure, debout chantant des hymnes…
M. de Kerland rapporte que le premier side-car allemand fut accueilli à Yerres par un représentant du Parti communiste qui avait débouché une bouteille de vin au nom du pacte germano-soviétique. Anecdote vraie ou fausse, voire enjolivée, nous n’en savons rien, mais vraisemblable dans l’ambiance de l’époque !
Toujours est-il que d’autres Yerrois ont reçu l’occupant plutôt fraîchement. Finez écrit que le maire a fait afficher une note le 4 août 1940 disant : « J’invite de la manière la plus impérative la population tout entière de garder vis-à-vis des autorités et des soldats allemands une attitude d’une absolue correction ». Cette note faisait suite à la plainte d’un officier allemand dont les soldats «avaient été victimes de grossièretés ».
Vers les 15-18 juin, donc, les Allemands arrivent à Yerres et une sorte de
Kommandantur, même si elle n’en porte pas encore le nom, s’installe chez nous à une adresse que nous ne pouvons préciser exactement, peut-être à l’Abbaye ou, plutôt, à proximité, au Val Ombré. Elle y restera, semble-t-il, jusqu’en novembre-décembre 1940.
Tous les Français de l’époque évoquent la Kommandantur, le plus souvent avec crainte. En fait, il y en avait plusieurs suivant le niveau administratif français auquel elles étaient associées :
Feldkommandantur pour un département (Versailles puis Saint Cloud pour la S-et-O), Kreiskommandantur pour une sous-préfecture (Corbeil) et Ortskommandanturau niveau d’une commune. Cette dernière sera présente chez nous, autant qu’on puisse en juger, jusqu’en novembre-décembre 1940 et elle sera sous la direction du capitaine Hoppe de la Wehrmacht.
Après cette date, la présence d’une Kommandantur à Yerres n’est pas avérée ce qui ne veut pas dire que l’occupant n’est plus présent chez nous, mais il n’y stationne plus, sauf circonstances particulières. Mme Pernette, arrivée à Yerres en 1941 et alors âgée d’une dizaine d’années ne se souvient pas avoir vu d’Allemands.
Dorénavant, Yerres aura affaire aux "autorités d’occupation" bien que subsiste l’administration française. La presque totalité des correspondances entre la ville et les Allemands passe par Corbeil, ce qui sous-entend effectivement qu’il n’y a plus ou pas de Ortskommandantur à Yerres. Le maire fera d’ailleurs afficher les heures d’ouverture de la Kommandantur de Corbeil située à l’hôtel Bellevue.
Le bras armé de l’occupant est la Feldgendarmerie présente dans les
Kommandantur. Police militaire de l’armée allemande, elle joue un peu le rôle de la gendarmerie française et contrôle les papiers, la circulation, la police française, etc. On reconnaît le Feldgendarme à son hausse-col, sorte de plaque d’identification retenue par une chaîne autour du cou.
Enfin, anecdote, les Allemands ont évidemment exigé la remise de toutes les armes que pouvaient détenir les Yerrois. Le maire remettra à Corbeil, à la Kreiskommandantur, 39 fusils de chasse, 19 carabines, 29 revolvers et… 4 fusils militaires, ainsi qu’un peu de munitions. Mme Prospéro déclare que son père possédait un fusil Lebel que la famille a enterré dans le jardin. D’autres Yerrois ont certainement agi à l’identique.
Certains Yerrois sont régulièrement convoqués à Corbeil, souvent parce qu’ils sont soupçonnés d’être juifs et, s’ils ne se rendent pas à la convocation, on les menace de venir les chercher ». Ce peut être aussi pour des questions liées au travail en Allemagne.
Une récapitulation du maire sur l’occupation allemande datée de novembre 1943 donne la liste des immeubles réquisitionnés avec leur date d’évacuation (entre parenthèses). En voici quelques-uns :
Abbaye (15 janvier 1941) ; Le Manoir rue Basse (19 décembre 1940) ; Château de la Grange (15 septembre 1941) ; 4 rue des Écoles (19 décembre 1940) ; Hôtel des Camaldules (19 décembre 1940) ; 29 rue des Camaldules (19 décembre 1940) ; 2 rue de l’Abbaye (19 décembre 1940) ; 7 rue de l’Église (19 décembre 1940) ; Le Val Ombré (19 décembre 1940) ; 3 rue de l’Église (20 septembre 1940) ; etc. soit au total 13 immeubles. À côté de la réquisition des immeubles, il semble y avoir eu celles touchant les particuliers. Ainsi, le docteur Accad, rue Jacques-Bouty, a logé entre le 31 juillet et le 17 décembre 1940 entre 9 et 11 sous-officiers et soldats. Finez, habitant avenue Raymond Poincaré, a logé du 31 août au 17 novembre 1940 un sous-officier, dont nous ne connaissons pas le grade, dénommé Stegemann et un de première classe, Schmid. Le 30 août il avait "accueilli" un capitaine. Au total, il semble qu’il y ait eu 53 réquisitions de locaux chez les particuliers. Les habitants étaient indemnisés au prorata du temps de séjour. Tous les documents nous montrent donc que l’armée allemande a quitté Yerres à la fin de l’année 1940, mais, peut-être, pas partout, et jusqu’en 1944, date à laquelle on notera de nouveaux passages !
Une exception possible est le château de la Grange. On a lu ci-dessus que les Allemands ont quitté le château le 15 septembre 1941. Or, un autre document daté du 20 février 1942 précise qu’y ont cantonné 5 officiers, 60 hommes, 4 automobiles et 5 chevaux sans indiquer la période d’occupation ! Mieux, une autre occupation allemande au château de La Grange est signalée dans un autre texte. Un détachement allemand s’y installe en janvier-février 1941 sous le commandement du lieutenant Schmitt et y restera jusqu’au 7 mai 1941, date à laquelle la société concessionnaire d’électricité (Sud-Lumière), interrompra ses livraisons parce que le site n’est plus occupé, mais, écrit-elle, reste réquisitionné.
Nous ne savons pas quelles destinations avaient ce détachement. Il demandait pour son fonctionnement une main d’œuvre civile importante, surtout masculine, allant de cinq à dix personnes. Le président de la délégation visait les salaires des employés qui étaient payés à l’heure. Ils sont tous identifiés comme manœuvre, ce qui laisse penser qu’il existait alors sur place une sorte d’activité industrielle et que cette main d’œuvre non spécialisée y contribuait, mais nous ne connaissons pas laquelle. Didier Leroy rapporte qu’il s’agirait, suivant les dires de M. de Kerland, d’un atelier de réparations de moteur d’avions, ce qui semble bizarre ! Un autre témoignage parle d’hôpital.
Dernier passage, de juin à juillet 1944, et, même pour le dernier le 10 août, soit une quinzaine de jours seulement avant la libération, Yerres devra loger plusieurs dizaines d’Allemands, le plus souvent des officiers (dont deux généraux) qui semblent avoir appartenu à l’organisation Todt et dont on ne connaît pas le stationnement antérieur. Ces derniers passages correspondent évidemment au recul des forces allemandes après le 6 juin 1944, mais une présence aussi longue interpelle à moins que la réquisition soit de principe et que les occupants s’y soient succédé.
M. de Kerland nous dit que les Allemands exigèrent dès 1940 la désignation de cinq otages pour garantir la sécurité de leurs troupes. Cinq volontaires se désignèrent : le curé Hoff, le maire M. Perrault, M. Bardillon, M. Eddy de Kerland et M. Sirot. Les documents communaux n’évoquent pas cet épisode qui reste cependant très probable et courant à l’époque.
Il est assez difficile de se représenter ce qu’a pu être la vie dans les communes et donc à Yerres. Il faut plutôt imaginer une acceptation bon gré, mal gré de l’occupant au moins jusque dans les derniers mois de 1942 ; les choses changeront avec les événements d’Afrique du Nord, l’invasion de la zone libre et l’institution du Service du Travail Obligatoire. Pendant plusieurs mois, la cohabitation entre Allemands et Yerrois ne sera pas trop conflictuelle comme partout en France.
Les militaires allemands, isolés ou en petits groupes, circulent dans la ville, vont dans les cafés, dont ils ne ressortent pas toujours lucides et marchant droit, entrent dans les boutiques (qui n’ont plus grand-chose à vendre !), côtoient les habitants. Ce ne sont plus des troupes armées défilant dans les rues au pas de l’oie. Yerres n’est pas un camp militaire allemand et les soldats qui s’y trouvent sont peu nombreux ; la vie continue, matériellement beaucoup plus difficile qu’avant, mais sans heurts marqués.
Il ne faut pas considérer Yerres comme une commune vivant sous tension où la vie sociale entre les communautés occupantes et occupées n’existerait pas. Des contacts ont lieu, des rapprochements se font et c’est bien pour cela qu’à la Libération, tant de conduites individuelles seront critiquées, ou dénoncées, voire pire, condamnés, par ceux qui penseront qu’ils avaient des raisons pour le faire.
Il ne faut pas, non plus, y voir toujours des rapprochements idéologiques. Comme partout en France, le gouvernement du maréchal a été largement accepté en 1940, mais il y a probablement très peu de vrais collaborateurs à Yerres et encore moins de sympathisants de l’Allemagne nazie. En revanche, il y a certainement des opportunistes qui essayent de tirer parti d’une relation avec l’occupant. Certains lieux sont plus fréquentés que d’autres, des habitudes se prennent, ce qui alimentera après la guerre les rumeurs de toute sorte.
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Quelques aperçus de la vie quotidienneLes conditions de la vie quotidienne peuvent s’appréhender dans tous les secteurs et dans bien des aspects, tant dans le domaine des décisions municipales que dans le cadre privé ou familial. Les délibérations locales sont le plus souvent dictées par des instructions nationales, voire par celles de l’occupant relayées par le préfet et le sous-préfet. Le témoignage de Mme Denise Loubet-Prospéro nous est précieux, pour nous faire découvrir cette période riche de problèmes et de menaces.
Pendant la guerre, on aura souvent recours à la "débrouille", pour "survivre" et tenter de surmonter les difficultés qui s’annoncent. Les Yerrois ont supporté les pénuries, ici comme ailleurs. Les presque cinq années de guerre ont connu des conditions climatiques rudes et rendu la vie plus difficile. Mme Prospéro nous dit :
Durant les années de guerre, il a fait extrêmement froid. En hiver, le gel arrivait vite, les hivers étaient affreux, il faisait froid, pas de chauffage. Lorsque nous sortions grand-mère mettait sous notre tricot ou notre veste, un journal plié en quatre. On en mettait aussi dans nos galoches. Le journal était censé nous protéger du froid.
Voici quelques décisions de la délégation spéciale.
Le conseil municipal du 7 septembre 1939 (qui n’est pas encore une délégation spéciale) décide, « au vu de la lenteur de la haute administration et des graves événements qui se sont produits, de faire installer à sa charge une sirène d’alerte et demande à l’administration une subvention, ainsi que l’achat de 50 masques à gaz destinés aux besoins des services de la défense passive. »
Les premières décisions tentent d’apporter des réponses à des difficultés multiples. Tout au long des années de la guerre, le conseil municipal s’est principalement préoccupé de la sécurité, du ravitaillement, de l’aide sociale et médicale : tel est le quotidien de ses réunions, dont la fréquence s’accentue dans les premiers mois de 1940 (une par mois), mais on note qu’il n’y a pas de réunion entre mai et septembre 1940. Voici les contenus les plus significatifs de 1939 à 1945.
Dès le 15 octobre 1939, la défense passive s’organise par le « projet d’aménagement des tranchés à proximité des bâtiments scolaires pour assurer la protection des enfants, travaux qui seront effectués par les chômeurs moyennant 5 frs par jour ». Dans le même temps, on en creuse d’autres dans la Grande Prairie pour empêcher l’atterrissage d’avions.
Le 21 mars 1940, il est procédé aux travaux de recensement et à l’établissement des cartes d’alimentation.
Le 3 septembre 1940, la Commune doit subvenir au « traitement du personnel de mairie intérimaire pour raison que les employés sont partis devant l’avancée allemande. »
Et le 10 août 1941, est décidé l’achat d’une épreuve du portrait au burin du Maréchal Pétain, ce qui aura des conséquences quatre ans plus tard.
À compter de décembre 1941, toutes les délibérations font mention des secours à accorder aux femmes ou enfants de prisonniers de guerre. Beaucoup de commerces ont été abandonnés.
Les projets sont ajournés (plateau d’éducation physique, bains-douches, abris de bus), tandis que les fêtes publiques sont supprimées. Les fêtes patriotiques (11 novembre) sont dorénavant interdites. Cependant, une fête, le 19 mars 1944, est organisée pour alimenter le Pécule du Prisonnier dont nous reparlerons. Un compte-rendu du 1er avril indique qu’elle permet d’assurer au retour de chaque prisonnier non encore libéré un montant qui devrait atteindre un minimum de 1 000 frs. Enfin, rappelons que le couvre-feu obligatoire à 22 h fait de Yerres, comme toutes les autres villes, une ville morte. Tout, pendant ces années est rationné, contingenté et recensé y compris les vélos qui seront immatriculés.
Le cahier de souvenirs de Denise Prospéro contient des détails en grand nombre sur l’ambiance yerroise. Les pages relatives à cette triste période, écrites avec l’émotion de la jeune enfant qui a vécu ces événements, expriment bien l’intensité de l’inquiétude éprouvée. La dureté des conditions de vie, du fait des pénuries, impose souvent la "débrouille". Voilà en vrac quelques-unes de ses réflexions.
« Durant la guerre, il n’y avait plus d’essence » (les voitures sont alors équipées de moteurs dits à gazogène par gazéification du bois, forme rustique de l’actuel GPL).
On nous distribuait des gâteaux vitaminés fabriqués par une biscuiterie située du côté de Pompadour, la biscuiterie Gondolo.
Nous avons terriblement souffert du manque de nourriture. Chez les commerçants, tout manquait. Les boutiques étaient vides...Dès que l’on apprenait qu’un produit était arrivé, la queue se formait devant la boutique, ainsi on passait des heures en attente, debout, pour très peu de nourriture. Les boutiques étaient vides. Maman nous faisait cuire des topinambours. Je les aimais assez, en salade avec du cerfeuil, cela me plaisait.
Mais le plus mauvais et détestable, c’étaient les rutabagas, absolument abominables. Maman les faisait cuire dans une sorte de sauce, il fallait vraiment avoir faim ! On mangeait des tartines de saindoux : j’étais dégoûtée ! Mais c’était la guerre, nous avions faim, et finalement, j’ai aimé ces sortes de tartines...
Chez un commerçant de la rue de Paris, nous achetions notre tabac, dont le mien puisque j’y ai eu droit à 13 ans, en devenant J3. Papa l’échangeait contre du beurre. Nous avons manqué de tout, particulièrement des vêtements et des chaussures ; on en confectionnait à partir de vieux manteaux. Pour les gens du peuple comme nous, la guerre a été très dure. Nous n’avions presque rien à manger, sauf ce que nous pouvions produire par nous-mêmes, pas ou très peu de chauffage. Comme nous avons eu froid durant ces tristes années.
L’électricité était souvent coupée. Papa avait installé une vieille batterie de voiture reliée à une minuscule lampe. On y voyait quasiment rien. Ayant moi-même beaucoup tricoté, j’ai conservé certains journaux féminins. Cette petite revue donnait des modèles pour les femmes, les enfants et les hommes.
Durant la guerre, elle montrait aux femmes comment confectionner des passe-montagnes, des gants, des écharpes et de chaudes chaussettes pour les hommes qui étaient au front. La guerre était dure pour nous, mais pour certains, il en était autrement : ceux qui faisaient le marché noir. Ceux-là ne maigrissaient pas. La guerre fût longue, triste, froide, et si peu à manger ! Quelques légumes du jardin, les animaux du poulailler.
Une année, dans le jardin de Bellevue, la récolte de pommes de terre s’annonçait magnifique ; quand maman et grand-mère ont voulu aller les arracher, des voleurs étaient passés avant elles.
Beaucoup d’autres informations figurent dans son cahier de souvenirs dont elle a fait don aux archives municipales.
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La vie à l’école pendant la guerre
Le bon fonctionnement de la vie scolaire est une tâche de tous les jours.
Elle dépend des décisions de la Délégation spéciale et des délibérations de la Caisse des Écoles. Elles traitent de nombreux sujets, notamment l’aide aux cantines et le rôle du Secours National, organisme d’entraide remis au goût du jour par l’État Français. Le registre de la Caisse des Écoles est bien tenu, puisque les écoles publiques (et aussi privées), continuent de fonctionner pendant cette période.
Les préoccupations pour la protection de l’enfance à l’école apparaissent comme particulièrement importantes. Ainsi en 1942, le Secours national est chargé de la distribution de biscuits à la caséine à tous les enfants scolarisés.
Par exemple, à l’école du Centre, rue Cambrelang, pour la semaine du 16 au 21 novembre 1942, le détail des distributions indique que les 6 à 10 ans reçoivent 2 rations, les 10 à 14 ans 4 rations, et les 16 à 18 ans 6 rations. Ces rations étant quotidiennes, le total représente un colis de 27kg, 400 pour la semaine. Le repas à la cantine, au prix de 2 frs, 50, est très léger ; il comprenait un bouillon de soupe, quelques rondelles de topinambours, un morceau de chocolat...
La gestion des cantines est assurée par le Comité de la Caisse des Écoles, dont les réunions concernent en priorité le problème des pénuries alimentaires. Le déficit s’aggrave. Les causes sont de deux sortes : le nombre d’élèves a augmenté ; le prix des repas n’est plus en harmonie avec le coût des denrées. Durant les hostilités, les fêtes, l’Assemblée générale n’auront pas lieu. Une provision de denrées (pommes de terre, pâtes, légumes secs...), sera mise à la disposition des cantinières pour leur permettre de parer à toute éventualité.
Il est prévu d’acheter de la laine pour la confection de tricots exécutés par les élèves des écoles.
Le 3 janvier 1941, le président expose qu’il a pu se procurer une certaine quantité de légumes (rutabagas, navets, carottes). Beaucoup d’enfants sont à l’heure actuelle sous-alimentés. Il est décidé qu’une soupe faite de légumes cuits à l’eau sera servie chaque jour à midi aux élèves qui en feront la demande. Le comité cherchera d’autres solutions pour améliorer quelque peu une situation plutôt critique. Le 9 février 1941 il est demandé aux bouchers de « fournir des os ou quelque peu de corps gras afin de servir aux enfants un potage plus substantiel ».
En octobre 1941, le Maréchal Pétain adresse aux écoliers de France une allocution radiodiffusée, dans laquelle il exhorte les enfants à ne pas céder aux difficultés : « je compte absolument sur vous pour m’aider à reconstruire la France, à faire des français un grand peuple loyal et honnête. » Ces paroles sont reprises sur les couvertures d’un cahier d’écolier.
Dans le quotidien des enfants scolarisés, la lutte contre le doryphore en 1941 prend l’allure d’une "véritable croisade". Cette activité très utile donne lieu à des récompenses. Il s’agit de sauver la récolte de pommes de terre, qui est, comme nous le verrons, à la base de l’alimentation avec le rutabaga et le topinambour.
Une préoccupation particulière est l’absentéisme croissant à l’école, absentéisme dont on ne connaît pas les causes. Le 15 décembre 1941, le préfet adresse une lettre à tous les acteurs (maires, enseignants, police, gendarmerie) :
L’absentéisme des enfants atteint « 12 % de l’effectif normal, tandis que 2% des enfants ne vont jamais à l’école et n’y sont même pas inscrits. » Le préfet n’ignore pas les conséquences des "circonstances", par « la pénurie de vêtements et de chaussures. » Les enfants se trouvent livrés à eux-mêmes. Il se réfère à la loi du 11 août 1936, qui notamment exprime :
« …chaque fois qu’un enfant d’âge scolaire sera rencontré dans la rue pendant les heures de classe, vous devrez le faire reconduire à sa famille, vous préoccuper du motif de l’absence et informer l’instituteur. Si les parents ne sont pas à leur domicile, ce qui arrivera fréquemment, c’est à l’école où l’enfant est inscrit qu’il y aura lieu de la ramener. Au cas assez rare de non-inscription dans une école, vous devrez en informer le Juge de paix du Canton, qui convoquera les parents… »
Le préfet termine son instruction en rappelant toute la délicatesse avec laquelle il y a lieu d’agir, « avec fermeté et mesure », concernant l’enfance.
Le 10 novembre 1943, le maire adresse une lettre aux enseignants, évoquant « l’allocution du Maréchal de France, à l’occasion de l’ouverture de la Campagne d’hiver du Secours National : deux journées de quêtes (les 13 et 14 novembre) où les enfants doivent être largement associés ».
On récompense par un Livret de Caisse d’épargne de 100 francs, les élèves ayant réussi le Certificat d’Études et l’examen d’admission dans une école supérieure, mais cette récompense n’est pas rétroactive. La gratuité des études surveillées est accordée aux enfants des familles nécessiteuses. L’enseignement secondaire devient payant.
Mais la vie va reprendre son cours : le 6 décembre 1945, différentes commissions sont installées. On organise la fête de Noël. On tire au sort les membres rééligibles (par tiers tous les ans).
Le personnel enseignant semble avoir continué son action éducatrice avec continuité et volonté.
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Prisonniers de guerre et Service du Travail Obligatoire (STO)
Les Français, et donc les Yerrois, vont être appelés à aller travailler pour l’Allemagne, d’abord et surtout en France puis en Allemagne. En France l’occupant a entamé des travaux importants pour ses propres besoins, mais aussi bientôt pour ce qui est appelé l’organisation Todt, du nom de son dirigeant. Le Herr Doktor Todt sera un grand constructeur d’infrastructure du IIIee Reich. C’est lui qui construira les autoroutes allemandes, la ligne Siegfried, le mur de l’Atlantique, etc.
La raison en est simple, le Reich ayant mobilisé une bonne partie de la population masculine, doit remplacer les hommes qui lui manquent dans les activités industrielles et agricoles. Il va donc faire appel à la main d’œuvre des pays qu’il occupe : Belgique, France, Pologne, Balkans, etc. Ses demandes seront de plus en plus pressantes au fur et à mesure que la guerre durera et qu’il lui faudra remplacer les pertes.
Les premiers Yerrois partiront en Allemagne en tant que travailleur libre fin 1940, début 1941. À noter également que des prisonniers de guerre pourront sur leur demande se transformer en travailleurs libres auquel cas ils perdent leur statut de prisonnier. Les entreprises allemandes ont des bureaux d’embauche en France. D’autres travailleront en France pour honorer des contrats passés avec les Allemands.
En juin 1942, Laval, en accord avec les Allemands, va prôner la "Relève". Il s’agit de libérer un prisonnier français contre trois travailleurs volontaires pour aller travailler en Allemagne. Ce ne sera pas un succès d’autant plus que Laval croira bon, lors de son message radiodiffusé, d’ajouter : « je souhaite la victoire de l’Allemagne » ! Les besoins de main d’œuvre du Reich allant croissants, l’occupant va obliger Vichy à rendre obligatoire le travail en Allemagne.
Avant cette décision, une certaine pression s’exerce sur la main d’œuvre pour aller travailler en Allemagne sous le signe de ce qu’on appellera un "volontariat forcé". Travail pas toujours forcé ! L’industrie est « en panne » en France et le chômage est général, les femmes de prisonniers doivent vivre avec une modeste allocation, mais, en revanche les salaires versés par les Allemands sont attractifs.
Puis, en février 1943, est instauré le Service du Travail Obligatoire (STO) faisant suite au recensement de tous les hommes nés entre le1er janvier 1912 et le 31 décembre 1921. Un peu plus tard, en mai 1943, on recensera à nouveau les jeunes gens nés entre 1921 et 1923 et on les munira d’une carte de travail qu’il faudra présenter avec sa carte d’identité pour justifier de son identité.
C’est l’époque où de nombreux jeunes gens rejoignent les maquis pour échapper à ce STO. Voici à partir d’un cas documenté comment se passait une réquisition pour travailler au profit de l’occupant.
Le maire de Yerres reçoit une lettre du préfet datée du 23 avril 1943 lui enjoignant sur « l’ordre formel » du Feldkommandant de réquisitionner 11 hommes pour l’organisation Todt et le préfet ajoute : « ce chiffre est impératif ». Le préfet termine sa lettre en écrivant :
…je ne puis vous laisser ignorer que les autorités d’occupation seraient dans la nécessité de sévir contre les maires qui n’exécuteraient pas l’ordre général de réquisition…
Et le maire donne une liste de onze noms (dont un Italien) de Yerrois dont l’âge va de vingt et un à quarante ans noms, huit sont célibataires et deux mariés avec un enfant. Cette réquisition fait suite à d’autres ; ainsi, le 14 janvier 1943, six Yerrois sont priés de se présenter devant la mairie de Juvisy-sur-Orge le 16 courant à 8 h 30 muni d’une couverture, de vêtements chauds, d’une gamelle, de couverts de table et de vivres pour 48 heures.
Le maire va essayer, sans grand succès, de sauver quelques requis en arguant qu’ils sont nécessaires à la vie de la commune, par exemple la défense passive ou il va plaider leur maintien pour des raisons humanitaires.
Combien de Yerrois sont partis travailler soit en Allemagne, soit pour les Allemands en France ? En se basant sur des statistiques communales, peut-être pas totalement fiables, on trouve un total de cinquante-deux personnes (dont quelques femmes) qui sont allées travailler en Allemagne ou en Autriche au titre du STO et une quinzaine qui auraient fait acte de volontariat ; toutes sont revenues en mai 1945 après la capitulation allemande. Les volontaires n’ont pas été accueillis à bras ouverts à leur retour.
Voyons ce qu’il en est pour les prisonniers. Presque tous ont été employés par les Allemands dans les Arbeitskommando (commandos de travail) aussi bien à la campagne qu’en ville, mais ils conservent alors leur statut de prisonnier de guerre.
L’Allemagne a fait prisonnier 1 800 000 hommes en quelques semaines en 1940 et la convention d’armistice prévoit qu’ils resteront captifs jusqu’au traité de paix qui ne viendra… jamais. Pour diverses raisons, il n’en restera plus que la moitié en 1945.
Il semble qu’environ 200 Yerrois seront captifs en Allemagne. Il y aura cependant des libérations, par exemple, pour des raisons sanitaires, mais aussi au titre de la "relève" et après certains accords passés par Vichy avec l’occupant ; fin 1943 il n’ en resterait plus qu’environ 140, ce qui paraît plausible.
Les prisonniers et leurs familles restent en contact grâce à un service postal, mais le nombre de correspondances est limité à une lettre et deux cartes postales écrites au crayon et soumises à la censure. Les familles peuvent aussi envoyer des colis à raison d’un de 5 kg tous les deux mois et un d’1 kg par mois en utilisant des étiquettes-adresses.
Vichy, par le biais du Comité d’assistance aux prisonniers de guerre en envoie également, de même que la Croix-Rouge.
Vichy a institué le Pécule du prisonnier, sorte de livret de caisse d’épargne devant fournir à chaque prisonnier à son retour au moins 1 000 francs, livret que les particuliers, voire les communes, peuvent abonder. Des quêtes sont faites périodiquement.
Le maire est un peu aussi le conseiller familial et l’homme secourable, ainsi cette lettre d’un prisonnier à Königsberg qui lui demande de veiller sur le sort de ses enfants, son épouse « n’étant plus digne de s’en occuper ». Le nombre de divorces a beaucoup augmenté en France à la Libération après le retour des prisonniers pour des raisons qu’on imagine aisément.
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La déportation
On estime que de l’ordre de 85 000 personnes ont été déportées en France entre 1940 et 1945. Deux catégories sont plus importantes que d’autres, celle des déportés d’origine juive et celle des déportés politiques. Le premier convoi de Juifs français part pour Auschwitz le 27 mars 1942. Mais il y aura des déportés pour faits de résistance et d’autres simplement parce que ce sont des opposants politiques.
Il y a des Juifs à Yerres avant la guerre ; on en trouve la trace au hasard des archives. Par exemple, un Yerrois signale pour d’autres motifs administratifs au moins quatre pavillons rue Pasteur et rue Boileau appartenant à des Juifs dans une correspondance adressée au maire.
Ils sont français et parfaitement intégrés à la communauté nationale même s’ils sont d’origine étrangère et n’ont pas acquis pour des raisons diverses la nationalité française. Fuyant le IIIe Reich, de nombreux Juifs, originaires d’Allemagne ou des Balkans, se sont réfugiés en France.
Vichy va promulguer deux lois avant même toute demande de l’occupant : une le 27 juillet et l’autre le 27 août 1940, mais c’est surtout celle du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs qui a pour objet d’exclure les Juifs d’un certain nombre de professions publiques et privées qui va vraiment marquer le début de la persécution.
Les Allemands avaient publié le 27 septembre 1940 une loi portant recensement des tous les Juifs de zone occupée ainsi que les entreprises appartenant à des Juifs. Les Juifs de Yerres sont invités à se présenter à la mairie pour s’y faire recenser ; malheureusement les archives de la commune n’ont pas conservé le résultat de ce recensement.
Le port d’une étoile jaune (cousue sur le vêtement sur le côté gauche) par la population juive sera exigé à partir de mai 1942 en zone occupée exclusivement. Nous ne savons pas si les Yerrois d’origine juive ont porté une étoile jaune, ce qui était obligatoire faute de sanctions sévères. Les archives ne nous donnent aucune information sur ce sujet.
Nous avons seulement la copie de certaines fiches remplies par des habitants de Yerres.
À partir de 1942, les rafles vont commencer, frappant d’abord les Juifs d’origine étrangère, la plus célèbre étant celle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, rafle à laquelle Bernard Nussbaum, Yerrois d’adoption et alors Parisien, aura été un des rares à échapper.
À la fin du mois d’octobre 1942 une rafle des Juifs d’origine étrangère et française a été menée simultanément dans plusieurs communes de notre secteur : Yerres, Brunoy, Montgeron et Vigneux-sur-Seine. Les personnes arrêtées ont d’abord été regroupées soit dans un local de la mairie, c’est le cas pour Yerres, soit dans les commissariats de Brunoy et de Montgeron. Le soir, ils sont tous conduits à Valenton où ils passent la nuit dans une propriété appelée "Le Plaisir". Le lendemain matin ils sont emmenés à la gare de Villeneuve-Saint-Georges d’où ils sont transférés par train jusqu’à la gare de Lyon, puis ensuite entassés dans des bus à plate-forme vers le camp de Drancy où ils sont enregistrés, le 29 octobre 1942. Voici les patronymes de quelques-uns des Yerrois qui ont été déportés au titre des lois antisémites :
Ella Davidovici, d’origine roumaine, est la première des six enfants de sa famille à venir en France. Elle s’installe à Yerres au cours des années 1920. Elle habite 3, rue de l’Église où elle exerce son activité de chirurgien-dentiste. Le 27 octobre 1942, Ella est arrêtée, par les polices française et allemande à son domicile de Yerres.
Elle sera d’abord dirigée vers le centre de regroupement de Valenton, avant d’être envoyée au camp de Drancy le 29 octobre.
Le 9 novembre 1942, Ella quitte le camp de Drancy par le convoi 44 à destination du camp d’Auschwitz-Birkenau (Pologne) où elle est assassinée probablement dès son arrivée, le 14 novembre 1942.
Sa sœur, son beau-frère et leurs enfants seront ultérieurement déportés en 1942-1943 et ne reviendront pas. Puis voici Fani et Arlette Sigal, Roumains d’origine arrêtées à Yerres, internées au camp de Drancy le 27 juillet 1944, et envoyés à Auschwitz en juillet 1944. Arlette survivra. Toujours en 1944, Jacques Van Duren est interné en mai en Lituanie où il décède. Stanislas Samuel Gotthelf, d’origine polonaise, déporté le 15 mai 1944 ne reviendra pas ; son fils Guy sera tué lors des combats de la Libération. Mordka et Hana Szpirko d’origine polonaise sont déportés en 1943 et ne reviendront pas, etc.
Au total une quinzaine de personnes, hommes et femmes, le plus souvent d’origine étrangère vivant ou nées à Yerres ont été déportés. La plupart ne sont pas revenues.
Les déportés pour faits de résistance ou politiques sont moins nombreux, cinq au total, dont un seul, M. Boudeville reviendra de Mauthausen.
Les Archives municipales manquent de précision. En effet, le maire envoie à la préfecture en mai 1945 un récapitulatif du nombre de déportés et il en signale huit sous l’appellation « d’internés et déportés » sans autre précision. Il est donc difficile de distinguer les catégories. Il est vrai que dans certains cas l’appellation de Yerrois est difficile à définir suivant que l’on prend en compte le lieu de naissance ou celui d’habitation.
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Les sinistrés
Yerres va connaître un afflux important d’un autre type de réfugiés, certes de proximité, mais il va falloir également les accueillir. Notre ville est proche de Villeneuve-Saint-Georges or cette ville abrite dans son voisinage une gare de triage, Villeneuve-Triage, une des plus grandes d’Europe à l’époque et de là sont formés les trains qui circulent dans le Sud et l’Ouest de la France.
Cette gare de triage est un objectif militaire. La destruction des voies interdit la circulation des trains et paralyse les transports militaires allemands. Les Alliés, à partir de 1942, vont systématiquement, et de plus en plus au fur et à mesure que la date du débarquement se rapproche, bombarder les gares de triage, les Américains de jour et la RAF de nuit. Les méthodes de bombardements sur zones restent très imprécises. Les avions volent en formation (des "boxes" d’avions) et larguent leurs bombes sur des objectifs identifiés par des marqueurs de cibles colorés.
Or la gare de triage est entourée par le tissu urbain et de très nombreux immeubles périphériques sont touchés. Par exemple, les 9, 10 et 26 avril 1944 (le 9 avril 437 immeubles sont endommagés), la gare est bombardée, mais aussi, dégâts que nous appelons aujourd’hui collatéraux, des immeubles à Valenton, Créteil, Limeil, Brévannes, Corbeil même qui compte également une gare de triage. Les bombardements des trois journées ci-dessus causeront le décès au total, de plus de 300 victimes sans compter les blessés.
Les alertes sont nombreuses et la population n’a pas toujours le temps de courir aux abris, toujours en nombre insuffisant. Les dégâts immobiliers ont très importants et beaucoup d’immeubles sont inhabitables. Avec la destruction de l’immeuble disparaît aussi tout le patrimoine familial : meubles, vêtements, papiers personnels, etc.
« Les nuits des 20, 21,22, 23 août sont épouvantables », écrit Finez. C’est le signe de bombardements ininterrompus tout autour de Yerres. Les habitants sans toit deviennent des réfugiés qu’il faut abriter et les communes voisines, qui n’ont pas ou peu été touchées, sont mises à contribution et doivent les accueillir.
Ces bombardements systématiques ne sont pas les seuls et, à partir de mai 1944, l’aviation alliée connaît une activité intense au-dessus de la France et notamment au-dessus de la région parisienne et ne se prive pas de bombardements d’opportunités quand les avions découvrent des objectifs, par exemple des convois allemands en retraite.
Il s’agit d’ouvrir la route aux armées vers Paris et, plus généralement, vers l’Est de la France. Eisenhower aurait bien volontiers évité Paris qui n’avait aucune importance tactique. Il faudra toute l’insistance d’un de Gaulle pour qu’il autorise le général Leclerc à venir prêter la main à l’insurrection parisienne déclenchée principalement, et un peu inconsidérément, par la résistance communiste à partir du 19 août 1944.
M. Perrault et sa délégation sont en première ligne ; ils sont chargés par la préfecture d’accueillir les sans-abri et de les loger dans leur commune en réquisitionnant tout ou partie des appartements ou maisons individuelles. La procédure est simplifiée. Le maire prévient le propriétaire qu’il se rendra sur les lieux tel jour à telle heure et si ce dernier n’est pas là, le serrurier ouvrira la porte. Voici, par exemple, ce qu’a reçu un propriétaire d’un pavillon situé à Yerres, mais habitant Paris :
« Prière apporter sans faute en mairie demain matin clé pavillon 22 rue du Beau Site en vue réquisition. À défaut pavillon ouvert d’autorité ». Chaque propriétaire devait obéir à un ordre de réquisition qu’il pouvait contester, mais pas refuser. Ce sont des familles entières qu’il faut reloger. Les listes qui nous ont parvenues montrent des familles de deux à cinq personnes ; elles donnent l’adresse de Villeneuve-Saint-Georges et l’adresse de Yerres. Tous les quartiers de la commune sont concernés. Des Yerrois ont même abrité dans leurs garages des habitants de Villeneuve-Saint-Georges où ils travaillaient le jour, puis en revenaient pour passer la nuit à Yerres !
Et le maire a signé de nombreux oukases de réquisitions de logements. Il y a des récalcitrants, ainsi cette dame qui écrit au maire que certes son pavillon n’est pas occupé, mais qu’elle compte bien venir passer ses vacances d’été à Yerres. Il y a aussi des arrangements à l’amiable et certains Yerrois ont accueilli volontiers ceux qui avaient tout perdu. Par exemple, une personne habitant rue de Concy héberge à elle seule quatorze personnes. Et puis un certain nombre de baux ont été actés également à l’amiable avec paiement d’un loyer ce qui évitait la réquisition.
Pour d’autres, cela a été plus difficile. Une autre dame écrit « …je ne tiens nullement à trouver mon logement occupé et aller coucher à l’hôtel avec un enfant en bas âge. » Un mauvais coucheur de Montreuil s’en prend directement au maire pour avoir désigné son pavillon alors, écrit-il, qu’il y a de nombreux pavillons libres et de les citer sans oublier « ceux des Juifs dont deux rue Boileau… ». Le maire, lui-même, demandera à la Kreiskommandantur de mettre « à sa disposition l’immeuble du Juif Kraika » pour y loger deux grandes familles.
Au total, si l’on en croit les archives communales, Yerres semble avoir accueilli un peu plus de 2 000 personnes, ce qui est considérable si on veut bien se souvenir que la population dépassait de peu 5 000 habitants. Cela sous-entend également que notre ville comptait nombre de logements (maisons et appartements) vides, voire sous-occupés. Il y a eu, évidemment, de nombreux contentieux portant sur l’état du logement après l’évacuation par le locataire de circonstance, mais le maire ne semble pas être intervenu et les archives sont muettes sur ce sujet. L’urgence n’a souvent pas permis de rédiger des états des lieux en bonne et due forme.
Il a certainement fallu beaucoup de temps pour que les problèmes se règlent !
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Des bombes sur Yerres ?
Il n’y a pas d’objectifs militaires à Yerres, en revanche, comme nous l’avons vu précédemment, ils sont nombreux tout autour de nous et les distances qui nous en séparent sont tellement faibles que nous ne pouvons pas échapper aux aléas des bombardements aériens que les Alliés, avec la technique de l’époque, appliquent sur zone.
Les Yerrois sont un peu au balcon, ainsi Finez décrit : « c’était un beau spectacle vu de notre terrasse, un vrai feu d’artifices, fusées de toute couleur montant en banderoles dans le ciel, embrasement général de la contrée et éclatement des bombes ». Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1944, notre peintre écrit : « …pour la première fois depuis 1940, la frousse s’empare de nous… ». Toute la vallée de l’Yerres est illuminée par des fusées rouges et il voit une fusée qui « passe par-dessus sa maison et se dirige vers Villecresnes » et il entend un "oum", sur le toit de son atelier. Le lendemain, il trouve sur ce toit un grand tube noir aplati de taille respectable (1,6 m de longueur, 18 cm de diamètre et pesant 8,5 kg) qui a provoqué des dégâts mineurs. Ce n’est pas le seul incident.
Les archives font aussi mention d’une bombe tombée dans le jardin d’un Yerrois, toujours lors du bombardement du 14 au 15 juillet 1944. Le projectile a fait dans le jardin de M. Besse 18 rue Émile un entonnoir de 8 m de diamètre sur une profondeur de 3 m. Le souffle de l’explosion a provoqué d’autres dégâts, fissuré les murs de la maison, arraché les arbres fruitiers, détruit le mur mitoyen, etc. Le cratère a été rapidement comblé par une équipe de déblaiement de la commune. Un autre Yerrois, M. Paul, voisin proche de M. Besse, a également subi des dégâts lors du même bombardement.
Il tombait aussi beaucoup d’autres choses des avions qui survolaient la région. Le même jour, au 25 rue des Coteaux est tombée "une pièce d’avion" sans précision. On ramasse également des parachutes et des enveloppes de fusée rue de Concy. Sous ces parachutes étaient accrochées des bombes éclairantes de diverses couleurs, et à combustion lente, qui marquaient les zones de bombardement. Mme Pernette se souvient d’avoir vu un parachute accroché dans les branches du cèdre du parc Caillebotte et s’être demandée où était le parachutiste.
Et puis il y a les éclats des obus de la DCA qui retombaient au sol. La DCA allemande, installée au fort de Villeneuve-Saint-Georges, essayait de protéger les sites attaqués et utilisaient des canons anti-aériens de petit calibre. Les obus, en fin de trajectoire, éclataient à haute altitude et les éclats retombaient au sol au hasard.
Ainsi Simone Carcouët, habitant 10 rue Transversale, est blessée par un éclat d’obus qui est resté logé entre deux côtes et que le médecin n’a pu lui extraire. Mme Prospéro raconte également « qu’un éclat est tombé dans l’escalier et a rebondi dans la cuisine juste à proximité de son pied ».
D’autres objets tombent du ciel et intriguent la population. Ce sont des bandelettes papier de longueur variable, jusqu’à 30 cm, recouvertes d’aluminium sur un des côtes. Ces bandelettes sont larguées en pluie par les avions et jouent le rôle de leurres. Employées en masse, elles brouillent les radars allemands et gênent le repérage des vagues d’avions.
Après la libération de Paris, l’activité aérienne va se déplacer vers l’Est, non sans que la Luftwaffe ne réussisse un raid sur Paris dans la nuit du 26 au 27 août faisant beaucoup de dégâts dans la capitale (hôpital Bichat, Bd Diderot, etc.) et la banlieue sud (voilà pourquoi la DCA américaine s’est installée à Limeil). Finez, qui a peut-être vu les lueurs, écrit : « … évidemment la guerre n’est pas finie… » Elle durera encore neuf mois !
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La Résistance à Yerres
Sujet mal connu ! Et c’est normal car c’est une activité qui devait rester évidemment discrète et, après le conflit, il y avait bien d’autres besognes à entreprendre. Soyons également lucides : se déclarer à la libération avoir été résistant était une reconnaissance pour l’action passée et un sésame pour l’avenir. Le jour de la libération de la ville, Mmes Pernette et Prospéro constatent une floraison de brassards FFI au point d’être très surprises de voir autant de résistants à Yerres.
Il y a cependant eu une résistance à Yerres, mais, comme partout en France, elle est restée à bas bruit jusqu’après 1942 et même chez nous jusqu’en 1944 à la veille du débarquement. La résistance a commencé en zone libre, très tôt, et elle s’est développée après l’occupation complète du territoire national par l’armée allemande, d’abord par la création et l’implantation d’autres réseaux.
Au début, les actions de résistance, souvent individuelles, se limitent à la recherche de renseignements, à l’édition d’une presse clandestine, à l’impression et la distribution de tracts, quelquefois, mais rarement car les risques sont grands, au sabotage de câbles téléphoniques ou de rails. On se regroupe pour écouter la BBC, quand elle n’est pas trop brouillée, et le général de Gaulle. On trace de grands V sur les bâtiments, etc.
La résistance, c’est d’abord une volonté commune de ne pas subir ! Les amitiés antérieures à la guerre ont joué un grand rôle dans le regroupement de Français de même sensibilité d’où la politique n’est pas absente.
C’est le Parti communiste qui lancera les premières actions "terroristes" (attentats individuels) ciblées contre l’occupant par le biais de son organisation dénommée les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) devenue les Francs-Tireurs et Partisans (FTP), tout court. Un Yerrois, M. Alfred Alavoine, chauffeur, sera fusillé au Mont Valérien le 2 avril 1942. Il fait partie des otages fusillés en représailles des attentats commis contre les troupes d’occupation. Un autre Yerrois, René Morin, résistant au sein de la Police nationale sera arrêté le 15 mars 1944 et sera fusillé au Mont Valérien le 16 mars.
Les maquis apparaîtront plus tard fin 1943, début 1944 et, à notre connaissance, il n’y aura aucune action armée dans notre région contre l’occupant du fait de ces maquis avant juin-juillet 1944, à l’approche de la libération de Paris. Le 6 juin, jour du débarquement en Normandie, le général de Gaulle avait proclamé à la BBC "l’insurrection". Le mouvement FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), apparu en février 1944, regroupe sous une appellation unique les groupements militaires des divers mouvements de résistance sauf les FTP.
Il est difficile de savoir qui, exactement, à Yerres a fait partie d’un mouvement de résistance. Seuls un certain nombre de mouvements, dûment identifiés, ont été déclarés résistants, mais à l’échelon national et après la guerre. Eddy et Lionel de Kerland ont certainement réuni quelques amis au sein d’un réseau local, mais ne nous disent rien d’une appartenance à un réseau national (peut-être l’Organisation Civile et Militaire (OCM) apolitique). Les événements ultérieurs nous montrent l’existence d’un autre réseau, plutôt de gauche celui-là, lié au Parti communiste et emmené par M. Michel. En fait, l’action résistante armée à Yerres semble s’être manifestée plutôt via Brunoy ou via Villeneuve-Saint-Georges, voire Draveil, villes où la résistance militaire semble avoir été plus active.
Les archives du Service Historique mentionnent l’existence d’un groupe Yerres-Villeneuve-Saint-Georges appartenant à l’Organisation Civile et Militaire (OCM), mais ne nous donnent pas le nom des membres, ni la nature de leurs activités de résistant. Un autre groupe, celui de Brunoy appartenant au mouvement Ceux De La Résistance (CDLR) se voit créditer d’actions militaires dans la région de Brunoy et de la forêt de Sénart entre le 20 et le 31 août 1944.
Ce qui n’empêche pas que des Yerrois soient morts en combattant ou exécutés par l’occupant pendant cette période d’août 1944, preuve que certains de nos concitoyens ont participé militairement et activement à libération de la France. Quatre d’entre eux, dont le réseau d’appartenance n’est pas bien connu (OCM , FTP pour certains), mais, à l’époque, ils sont tous FFI, ont payé de leur vie dans des circonstances diverses leur obéissance à l’ordre d’insurrection de juillet-août 1944.
Voici les noms et leurs dates de décès :
Pierre GUILBERT (16/08/44)
Jean LEGRAND (21/08/44) Guy GOTTHELF (25/08/44) Jacques BOUTY (25/08/44)
Ces noms figurent sur le monument aux morts de notre commune.
Les organisations de résistance, très politisées, qui se sont fédérées au sein du Conseil National de la Résistance (CNR), ne vont pas disparaître après la Libération. Les habitants de Yerres seront appelés aux urnes, comme partout en France, pour élire leurs représentants et nul ne pourra espérer être élu s’il ne se réclame d’une forme de résistance aussitôt contestée, bien sûr, par l’adversaire politique.
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La Libération
Le dimanche 27 août 1944 est une date souvenir particulière pour Yerres. C’est ce jour grisâtre, qui vit arriver une jeep américaine en reconnaissance dans les rues de la ville. L’heure de la libération avait sonné.
Pour rappel, les armées alliées ont débarqué en Normandie le 6 juin 1944. Après de difficiles combats, elles réussissent à rompre les lignes tenues par les Allemands qui battent en retraite. Le 25 août 1944, Paris est libérée par les soldats de la 2ème Division Blindée commandée par le général Leclerc et avec l’appui de la 4ème Division d’Infanterie américaine.
La jeep est en reconnaissance et transporte trois soldats, à savoir : le conducteur, le tireur avec une mitrailleuse et un navigateur-radio. Ces derniers transmettent à intervalle régulier toutes les informations nécessaires pour l’avancée des forces alliées. Parlant l’anglais, un Yerrois résistant, Monsieur Lionel de Kerland, fils de M. Eddy de Kerland également résistant, est désigné par le groupe de résistance locale pour servir d’interprète.
Lionel de Kerland fait savoir aux soldats américains qu’aucun fantassin allemand ne se trouve sur le territoire de la commune, mais qu’une section de trois chars Panther se situent au château de la Grange et dans les bois de Gros-Bois, précisément à Notre-Dame, pour protéger la retraite de leur armée vers l’Allemagne.
Lorsque la nouvelle de la libération de Yerres se répand sur le territoire de la commune, la joie éclate, les cloches de Saint-Honest sonnent, les fenêtres se couvrent de drapeaux français, américains ou anglais qui fleurissent de partout. La population se rassemble dans les rues. On échange joyeusement des poignées de mains, des fruits, des paquets de cigarettes de la marque Philip Morris. La ville, sortie dans les rues, acclame ses libérateurs. A la suite de la brume du matin s’ouvre une chaude journée d’été, les Yerrois redécouvrent la joie de la liberté retrouvée. Les cloches de l’église Saint Honest sonnent à toute volée. Elles carillonnent pour annoncer la messe de 10 heures.
L’église est bondée et c’est pendant la messe qu’arrivent, tout d’abord par un grondement sourd puis avec un fracas étourdissant, les unités américaines. Elles appartiennent à la IIIe armée du général Patton. La colonne de blindés et autres véhicules tourne devant l’église vers l’Abbaye. Les Yerrois découvrent progressivement devant l’église Saint Honest les colonnes de chars américains Sherman, d’halftrack, de canons, d’automitrailleuses survolées par un piper-cub (un avion) à moins de cent mètres d’altitude.
Ce défilé de blindés durera de 10h30 à 20 heures. La quasi-totalité des habitants sont dans la rue et acclament les libérateurs. La journée devient très chaude ; le soleil a chassé les brumes et la fraîcheur du matin. Il fait plus 28 degrés. Les Yerrois, dans une joie et une gaieté débordantes, distribuent les récoltes de leur jardin, des fleurs ou des bouteilles de vin. Le temps se dégrade progressivement et la journée se terminera par un orage.
Une unité d’intendance et du génie s’installe sous les hêtres bicentenaires de l’avenue Gourgaud et au domaine de Beauregard : des dizaines de chars Sherman sur leurs remorques, des camions citernes, des engins de terrassement, etc. Ces machines témoignent pour le plus grand bonheur des Yerrois de l’écrasante puissance américaine de cette fin de conflit.
Du point de vue logistique, la municipalité et les forces américaines ont trouvé un accord sur les conditions et les commodités de stationnement de l’unité. Les membres de la délégation française qui participent à ces négociations ont pu retrouver le goût, après quatre années de rationnement, du véritable pain blanc et celui du café.
La nuit des 27 au 28 août fut mouvementée. Pour les Yerrois, celle-ci fut blanche. En effet, ce qui ne s’était pas vu depuis le début de la guerre, on dansa dans les rues. Le lendemain matin, un hommage est rendu aux américains, avec une prise d’armes et un défilé place de la mairie (actuellement la Poste). Au balcon de l’Hôtel de ville se trouve une partie du conseil municipal notamment M. Perrault, maire de la ville. On y chante La Marseillaise et The Star-Spangled Banner, l’hymne américain, avec engouement et allégresse.
Yerres est libre mais la guerre n’est pas terminée ! Par exemple, le 26 août 1944, la Luftwaffe lance 150 bombardiers pour détruire l’est de Paris et la halle aux vins de Bercy. L’incendie est extraordinaire et spectaculaire. On peut l’apercevoir des hauteurs de Yerres tant le ciel est rougeoyant. Avant de regagner l’Allemagne, les bombardiers ennemis, volant à trois cents mètres d’altitude pour échapper à la chasse de nuit alliée, amorcent leur virage au-dessus de Yerres.
Il faudra attendre encore neuf mois pour voir revenir prisonniers et déportés, et, pourrait-on écrire, les difficultés commencent. L’unanimité face à l’Allemand fera bien vite place, à Yerres comme ailleurs, à la discorde entre les partis !
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"L’occupation" alliée
Évidemment il ne s’agit pas de la même occupation ! Celle-ci est non seulement acceptée, mais, même, dans une certaine mesure, désirée. Après le départ des forces allemandes, les armées alliées vont s’arrêter à Yerres, soit pour des cantonnements transitoires (des bivouacs d’un ou deux jours, voire quelques jours), soit pour des stationnements de plus longue durée.
Les armées modernes et, surtout les anglo-saxonnes, ont besoin pour combattre d’une logistique importante et elles utilisent ce qu’on appelle des trains de combat qui suivent les unités opérationnelles.
On constatera que si les sites ont changé d’occupants, ils sont restés… les mêmes. Ce qui change, en revanche, c’est le nombre de véhicules à accueillir. L’armée allemande peu motorisée, réduite souvent lors de sa retraite à la traction animale, n’avait pas posé autant de problèmes de stationnement.
Au compte des occupations transitoires et temporaires, on peut citer la présence américaine au château de le Grange, peut-être pas dans l’enceinte du château même qui, à l’époque, est habité par son propriétaire, la baronne Gourgaud, mais dans les différentes allées qui partent vers Limeil et Grosbois, certainement aussi à hauteur de la Mare armée. Voici par exemple ce qu’écrit Finez quelques jours après l’arrivée des Américains :
Le 9 septembre, très matin je pars pour la récolte des champignons et je vois devant le château de la Grange un campement de nègres américains. Je m’arrête et sympathise avec quelques-uns d’entre eux. Un grand diable de nègre du nom de William Clifford de Houston consent à poser…
Il poursuit en racontant ses échanges avec un autre Américain qui lui donne un paquet de Camel contre un croquis et il ajoute « très intéressant la visite des camps » sans malheureusement nous en dire plus. Il semble y avoir un stationnement relativement pérenne puisqu’il précise qu’il y retourne le lundi avec Francine, sa femme, et, écrit-il, qu’ils vont jusqu’à la gare de Limeil (elle n’existe plus c’était la gare située sur la ligne Paris-Bastille du "train des roses") où est « installé un autre camp de DCA ».
Il fait des échanges chocolat et pétrole contre cidre et "goutte" (dont ils « sont friands »). Il ajoute malicieusement : « …s’ils séjournent longtemps à Yerres, ils vont se corrompre à tous points de vue ». En fait, ils ne vont pas en avoir le temps puisqu’ils sont partis le 13 septembre : « adieu les grands gosses de nègres… », écrit-il.
Cette visite des camps américains par les populations est générale, d’autant plus que la découverte de l’armée américaine, de son luxe et de l’abondance dans laquelle baignent les GI’s, est un vrai choc pour les Yerrois (et les Français en général !) qui ne sont pas encore sortis de la pénurie et qui ne pouvaient même pas l’imaginer. Le fait que les soldats soient noirs confirment la présence d’unités logistiques, l’armée américaine, à cette époque, utilisant très peu de noirs dans les unités opérationnelles. D’autres vont rester plus longtemps.
Voici la liste des propriétés occupées par les troupes américaines, en gros pendant le deuxième trimestre 1945 avec le nom des propriétaires :
Dr Accad, rue Jacques-Bouty ; établissement de bains ; terrain de sports ; Castel 37 rue de l’Abbaye ; Duverger, usine rue de l’Abbaye ; Hinque, rue Jacques-Bouty ; Moulin, 1 avenue de l’Abbaye ; Bouty, Le Val Ombré ; Coignet, Le Manoir. On constate que les Allemands avaient souvent fait le même choix.
Ces occupations n’ont pas toujours été sans conséquences pour les Yerrois, ainsi les camions américains ont endommagé les murs de clôture de l’abbaye et la rue de l’Église. Il y a eu indemnisations, mais il a fallu un certain temps pour les obtenir. Autre exemple, Le Manoir au 5 rue Basse, qui, nous l’avons vu, avait déjà était occupé par l’armée allemande pendant une courte période en juillet 1940 appartient à Mme Louise Coignet résidant alors rue Kepler à Paris. Cette splendide demeure a été cette fois occupée par l’armée américaine du 18 avril au 15 juillet 1945. L’unité occupante appartient au Signal Packing Development Station Corps, autrement dit c’est une unité de transmissions de l’armée US. Il s’agit d’une sorte de réquisition amiable pour laquelle les services français, direction du génie et intendance ont donné les différentes autorisations.
Mme Coigniet attendra longtemps (juillet 1948) une indemnisation acceptée par l’armée américaine après quelques années de discussions. Il a été difficile de faire la part de ce qui avait été emmené par les Allemands (du mobilier, notamment) et détérioré par les Américains.
Les Américains ne sont pas les seuls occupants ! Bizarrement, des troupes françaises ont cantonné à Yerres entre le 9 août et le 14 septembre 1945. Ces troupes appartiennent à la 1ére division d’infanterie motorisée (DIM). Cette division a été formée en 1945 par des unités provenant des Forces Françaises de l’Intérieur, autrement dit des maquisards, et, au mois de septembre, elle rejoint l’armée de
de Lattre qui combat dans l’Est. Elle est pauvrement équipée en partie avec du matériel allemand récupéré. Pour des raisons que nous ne connaissons pas les détachements cantonnent dans les localités.
À Yerres, 350 soldats en deux détachements ont bivouaqué chez M. Paternoster à la ferme de La Grange et 15 officiers et sous-officiers ont logé chez des particuliers (un sous-officier chez Finez), chez la baronne à La Grange, mais aussi chez les Brault, les de Kerland, etc.
Ce qui est surprenant est la durée de présence de ces détachements, en moyenne 23 jours ! Qu’ont bien pu faire ces hommes à Yerres, pendant 23 jours ? Nous n’en savons rien.
C’est la dernière occupation connue à Yerres et, en quelque sorte, elle signe la vraie fin de la guerre. D’autres luttes, cette fois politiques, vont marquer les années suivantes.
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L’épuration[Voir aussi Épuration et retour à l’ordre républicain dans le Val d’Yerres après la Libération (1944-1946)]
Le débarquement du 6 juin 1944 et la libération de Paris vont amener une inévitable période de troubles partout en France. Le départ des Allemands et la disparition du régime de Vichy créent un vide politique que le gouvernement du général de Gaulle, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) revenu à Paris fin août 1944, va avoir du mal à combler.
La mémoire collective a retenu la période de la Libération comme une parenthèse de liesse et d’enthousiasme après les dures années de guerre. Toutefois, cette image enthousiaste mériterait sans doute d’être nuancée car les années de l’immédiat après-guerre ont également comporté de nombreuses facettes moins idylliques.
Parallèlement avec les maquis, organisations militaires, le GPRF a créé des structures civiles : les Comités locaux de Libération (CLL), avec théoriquement voix consultative pour aider à gérer transitoirement les administrations : départements, cantons et communes. Comme on pouvait s’y attendre, ces comités se sont vite instaurés en justiciers et ont essayé – il y sont souvent parvenus - de se transformer en comités d’épuration. Le CLL de Yerres avait envisagé de créer une commission d’épuration, laquelle, apparemment, n’a pas vu formellement le jour autrement que par une note portant cachet avec quelques noms.
Les diverses sensibilités politiques qui s’expriment alors ouvrent des débats qui tiennent plutôt de la foire d’empoigne (pas toujours sans violence) due, notamment, à la volonté des communistes de prendre la direction des diverses assemblées. Ce sera le cas chez nous comme presque partout en banlieue parisienne.
Sitôt le territoire libéré, la préoccupation des autorités va être d’y restaurer l’ordre. Dès sa nomination, le nouveau préfet de Seine-et-Oise, Roger Léonard va se retrouver confronté à de multiples défis tels que l’exprime un document de l’époque:
Car la pression est forte : après ces « cinq années de misères, de deuils et d’humiliation », la population entend bien en faire payer le prix aux collaborateurs réels ou… supposés.
Un tract de rédaction ouvertement communiste distribué en septembre 1944, illustre bien les sentiments agitant une partie du public :
Où est l’épuration promise ? […] Nous vous avons fait confiance mais vous trahissez cette confiance qui est en train de disparaître, et vous nous faites regretter de ne pas avoir procédé plus brutalement au nettoyage qui s’imposait et qui s’impose plus que jamais.
Le Comité départemental de Libération de la Seine-et-Oise du 6 octobre 1944 déclare :
[Le Comité] refait l’écho du mécontentement très vif de la population qui constate que 6 semaines après la libération aucun traître n’a été jugé et passé par les armes dans la région parisienne. Il estime qu’il faut frapper tout de suite les traîtres avérés pour qui un dossier d’accusation conduisant à la peine de mort peut être constitué en quelques heures.
On ne saurait être plus explicite…En fait, il y a bien eu des traîtres, ou supposés tels, qui ont été passés par les armes.
Pourtant, dans le compte-rendu qu’il adresse au préfet le 16 septembre, M. Perrault indique que « les premiers temps de la Libération se sont déroulés sans incident grave à Yerres ». Tout juste signale-t-il le vol de 20 bouteilles de champagne par quatre soldats Allemands en déroute…
Notre commune a connu au moins un cas de justice expéditive : l’exécution d’un de ses habitants, ex-délégué à l’Information du régime de Pétain, le 20/08/1944. Le rapport de police du commissariat de Brunoy mentionne que « le 20/08 à 9h le nommé F. A. 64 ans, […] a été tué de 2 coups de revolver à 100 mètres de son domicile par 2 cyclistes inconnus qui ont pris la fuite en direction ignorée… ». Le dit commissaire n’a pas manifesté un grand zèle pour retrouver les assassins.
On a tondu des femmes à Yerres, au moins deux nous dit Mme Pernette, promenées dans les rues, spectacle qu’ont malheureusement offert à peu près toutes les villes de France à l’époque. Naturellement, le but était de punir les "coupables" de ce qu’on appelait "la collaboration horizontale".
Nous n’avons pas retrouvé trace d’autres actions violentes sur notre commune. En revanche, des événements survenus dans les communes limitrophes ont pu impliquer des Yerrois : par exemple exécution d’un certain Robert Bleu (ou Blot) qui aurait été arrêté à son domicile à Yerres le 23 Août 1944 et fusillé quelques jours après par un groupe FFI. Il aurait été à l’origine de l’exécution de Pierre Guilbert, parti prendre possession d’un camion d’armes.
Le fort (batterie) de Limeil a été utilisé comme centre de détention administrative par le maquis et de nombreux incidents s’y sont déroulés allant de l’exécution de présumés coupables ayant évidemment « tenté de s’évader » à l’internement de collaborateurs et « collaboratrices », celles-là destinées plutôt au « repos du guerrier » du libérateur américain. Draveil, toujours, a été le théâtre d’affrontements entre militants communistes et non communistes.
Brunoy voit des FFI (FTP) établir des barrages sur les routes, contrôler les identités, fouiller les domiciles et interner ceux qu’ils considèrent comme suspects.
Pour retrouver un semblant de légalité, le nouveau pouvoir va installer des cours de justice et essayer de mettre un peu d’ordre dans les centres d’internement. Ces tentatives seront contestées par la création par le Parti communiste des « milices patriotiques » ou « gardes patriotiques », groupes de résistants armés chargés d’assurer l’ordre, de faire la chasse aux « collabos » et aux « traîtres ». En fait, ce sont des organismes qui ont pour but de noyauter la population, ces milices se déclinant jusqu’à l’échelon du quartier. Il en sera question à Yerres, mais il ne semble pas qu’une vraie milice patriotique y ait vu le jour. Elle n’en aura pas le temps puisqu’un décret du ministre de l’Intérieur d’octobre 1944 les supprimera après le retour en France de Maurice Thorez et avec son acceptation.
Une dizaine de Yerrois comparaîtront devant les cours de justice et quelques-uns seront condamnés à des peines d’indignité nationale, la plupart du temps pour avoir appartenu à des partis collaborationnistes tels le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Quelques années plus tard, une loi d’amnistie effacera les peines.
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Le renouveau de la vie politique
M. Perrault, faisant fonction de maire, nommé par Daladier, mais reconduit par Vichy, ne plaît pas à une partie des résistants de Yerres et, dès le 1er septembre 1944, lui et son conseil ne pourront plus exercer leurs fonctions, la mairie étant occupée.
Certains Yerrois avaient créé en août-septembre 1944 un CLL avec à sa tête M. Alphonse Michel, agent en douane, et appartenant au mouvement de résistance du Front National. Ce Front National est une émanation du Parti communiste clandestin qui a vu le jour en 1941. C’est, suivant les historiens, une des plus importantes (et nombreuses) organisations créées par le Parti. Pour être plus représentatif et moins marqué, il accueillait en son sein des sympathisants non formellement communistes.
Ce comité compte à Yerres huit membres à la date du 1e octobre 1944. Sur les sept autres membres, au moins quatre appartiennent au PC ou à des organisations que l’on appelle à l’époque crypto-communistes. Il est très dépendant du comité départemental installé à Versailles et qui est de la même sensibilité politique, comme on l’a vu dans le chapitre précédent. Ce CLL va donc occuper la mairie rendant impossible tout fonctionnement municipal. L’occupation des bâtiments publics, symboles du pouvoir, est la règle à l’époque et Yerres n’est pas une exception.
M. Perrault a-t-il démérité ? Le comité pense que oui et M. Michel va dresser un acte d’accusation en dix points que nous ne pouvons pas reproduire ici in extenso et qu’il adresse au préfet. Voici, cependant, quelques-uns des griefs à son encontre :
Fidèle serviteur de Vichy et admirateur du maréchal félon, Monsieur Perrault propose au conseil municipal une dépense de 250 f à l’achat d’une image au burin de Pétain (séance du 10/ 08/1941).
M. Perrault est convaincu de n’avoir jamais rien fait pendant ces quatre années de guerre pour ravitailler la commune, ni en nourriture, ni en chauffage. Il a la réputation d’avoir favorisé le marché noir. Etc.
L’accusation d’avoir engagé les finances communales dans l’achat d’une image de Pétain est une des accusations principales, aussi anecdotique qu’elle puisse nous paraître aujourd’hui ! Elle est d’ailleurs en numéro deux sur la liste, la première étant celle d’avoir accepté du maréchal en 1941 la fonction de maire.
Les raisons profondes de ces accusations se trouvent probablement dans une lettre de M. Michel à M. de Kerland : « Quant à moi je persiste à dire et je puis prouver que M. Perrault fut d’une partialité révoltante envers les communistes car tous les bons Français sont mes amis et que même les non-communistes ont eu à souffrir de son injustice ».
Il faut sortir du blocage du conseil et pour cela, essayer d’en créer un nouveau à l’amiable. Le maire se défendra comme il pourra grâce à ceux qui l’avaient suivi pendant son mandat ; le sous-préfet de Corbeil se déplacera en personne, mais rien n’y fera et il semble même qu’une enquête, close sans suite ultérieurement, ait été diligentée sur demande de M. Michel en vue de frapper M. Perrault de la peine, très fréquente à l’époque, « d’indignité nationale », peine qui supprimait
entre autres les droits civiques.
Finalement, après négociations avec le sous-préfet venu à Yerres pour essayer de calmer les ardeurs des uns et des autres, les tentatives sans succès de M. Perrault de sauvegarder sa fonction, un nouveau conseil, toujours non élu, mais politiquement compatible, ses membres ayant été choisis par le comité de libération du département, émergera le 26 novembre 1944. Il sera présidé par M. Apra, déjà élu en 1935. La situation est débloquée pour le moment. M. Michel est naturellement conseiller, mais l’homme qui monte est M. Luciani, membre du PC, retraité de la SNCF, très largement élu premier adjoint.
Les premières vraies élections municipales auront lieu les 29 avril et 13 mai 1945 et les Yerrois éliront un conseil à majorité communiste avec M. Luciani comme maire (Liste de rénovation républicaine antifasciste pour l’application du programme du Conseil National de la Résistance). Il sera élu par le conseil avec 23 voix sur 23. M. Perrault, qui avait présenté une liste d’Union Nationale Républicaine, retrouvera une retraite bien méritée.
L’évolution politique de Yerres en dix ans est caractéristique de la période. Le conseil comptait deux élus communistes en 1935 à la veille du Front Populaire et il en comptera une majorité dix ans plus tard !
En 1947, sur fond de début de guerre froide, de départ des ministres communistes du gouvernement et de création du Rassemblement du Peuple Français (RPF) par le général de Gaulle, une nouvelle élection municipale modifiera complétement la représentation politique du conseil qui sera dorénavant présidé par M. André Ponce élu sur une liste RPF.
M. Perrault ne sera pas inquiété et la grande majorité des Yerrois ne contestera pas son rôle pendant l’occupation ainsi que l’écrivent Mme Prospéro et M. de Kerland.
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Postface
La guerre est finie sans trop de dommages ni dans les âmes, ni dans les corps ! Pas de destructions massives et de massacres à Yerres avec les séquelles psychologiques qui les accompagnent et qui laissent les familles meurtries de nombreuses années après les événements.
Notre ville a cependant connu les drames liés à l’occupation, à l’absence des hommes prisonniers, à la déportation des Juifs et les obligations du travail obligatoire et, surtout, le sacrifice de quatre Yerrois lors de l’insurrection de 1944.
En retour, à la Libération, pas, non plus, ou peu, d’épuration autre qu’administrative, savoir un certain nombre d’internements pendant une durée limitée, Quelques peines d’indignité nationale à la différence de ce qui s’est produit dans différentes villes de France. Des lois d’amnistie viendront bientôt effacer les fautes des présumés coupables.
À noter cependant une victime de l’épuration sauvage. On se demande ce qui a bien pu motiver l’exécution de cet homme, presque sur le pas de sa porte, à part le fait qu’il était un adepte de la Révolution nationale et qu’il ne s’en cachait pas ! Il avait également été membre du Parti social français (PSF), bête noire du Parti communiste, alors !
Des remous politiques, certes, inévitables après les déchirements des années noires, mais sont-ils d’une autre nature que la simple exacerbation du passé dans la continuité de ceux qui existaient avant la guerre entre une gauche radicale-socialiste et une droite qui voulaient mutuellement en découdre ?
Finalement cette guerre de 1939-1945 a-t-elle été plus dure pour Yerres et ses habitants que la précédente de 1914-1918 ? Si on mesure la souffrance des hommes à l’aune des pertes humaines, un coup d’œil sur le monument aux morts de la commune apporte une réponse qui semble bien négative, mais il n’est pas interdit… d’avoir une autre opinion.
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