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Il y a un peu plus de cent ans, un officier de l’armée de Napoléon III, le lieutenant-colonel Rothmann, décidait, sa retraite venue, de s’installer à Yerres. Aquarelliste de talent, il s’employa à représenter notre ville telle qu’il la voyait à l’époque. Ce sont ces aquarelles colorées qui sont exposées, du 16 au 24 décembre 2023, par la Société d’Histoire d’Yerres. Mais bien avant, il participa à la désastreuse expédition au Mexique dont il rapporta une trentaine de croquis exécutés au crayon.

La campagne du Mexique du lieutenant-colonel Rothmann

Par André Bourachot


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Voir aussi : Biographie succincte du lieutenant-colonel Rothmannn.
expedition_du_Mexique
Il faut d’abord rappeler ce qu’a été cette guerre du Mexique. Napoléon III s’est engagé au Mexique pour de nombreuses raisons, d’abord à l’appel de certains Mexicains grands propriétaires terriens, avec l’idée de créer en Amérique un empire chrétien qui ferait pendant aux USA, bientôt en guerre de sécession et, il faut le dire, sous la pression de l’impératrice Eugénie. Le Mexique, très endetté vis-à-vis de nombreuses puissances européennes, sortait de trois centaines d’années de colonisation espagnole et avait dû céder aux Américains le Texas (1845) avec lesquels le conflit était perpétuel. Le pays était très instable politiquement et en 1861, le gouvernement de Benito Juarez introduisit une série de réformes (mariage civil, vente des biens ecclésiastiques, etc.) qui heurtaient de plein fouet un pays où la prégnance catholique était grande. Il semblait être une proie facile à prendre et Eugénie avait même trouvé un prince à mettre sur le trône : Maximilien de Habsbourg. Une expédition franco-anglo-espagnole est décidée et intervient pendant l’hiver 1861-1862. Les Anglais et les Espagnols se retireront bien vite en 1862 mais les Français continueront.

En 1862, le lieutenant Rothmann commande en second la 1re section de la 13e compagnie du 3e régiment du Génie. Il embarque à Cherbourg le 22 août 1862 sur le Tilsitt, vaisseau de 90 canons, originellement à voile, transformé en vapeur. Il arrive à Veracruz sur la côte est du Mexique le 19 octobre après presque 60 jours de mer, voyage donc long et éprouvant. Le travail du génie est l’appui des fantassins et des cavaliers. Cet appui peut prendre plusieurs formes, réfection de pistes, construction de ponts, creusement de tranchées pour assiéger les forts nombreux au Mexique (construits par les Espagnols) et emploi d’explosifs pour faire sauter les murailles et déblayer les itinéraires. Ce sera le travail de Rothmann et de ses hommes pendant toute la campagne.
Tilsitt
Le Tilsitt servant de caserne à Saïgon en 1877

Tilsitt-crayon
Le Tilsitt vu par le crayon du lieutenant Rothmann

La progression est lente. On quitte Veracruz le 24 octobre en route vers Jalapa, Perote et Nopalucan avec destination finale Puebla. On reste un mois et demi dans cette bourgade et on y prépare le matériel de siège pour assiéger Puebla où on arrive fin janvier 1863 (distance Puebla-Veracruz environ 300 km). Le 23 mars 1863, le siège de Puebla commence et se terminera le 19 mai. C’est une des batailles les plus dures de la campagne. La ville est protégée par une série de forts qu’il faut prendre les uns après les autres. On "ouvre la tranchée", place des "mines" sous les murailles qu’on abat pour laisser la place aux fantassins qui se heurtent à des barricades disposées tout au long des itinéraires. Le lieutenant Rothmann va s’y distinguer et va ouvrir avec sa section dix-sept tranchées.
Le 7 juin, Rothmann, désormais capitaine, entrait à Mexico avec sa section. Puis, comme l’appelle l’historique du 3e génie, commence une course vers l’intérieur qui mènera les forces françaises jusqu’au Pacifique en traversant tout le Mexique et le nord du pays  l’état-major nommera cette partie de la campagne « l’expédition de l’intérieur ». C’est ainsi que Rothmann passera par Monterrey, Durango. Il va rester proche de la côte pacifique et combattra à Mazatlan, Guaymas (sur la côte) et surtout à l’Espinazo-del-Diablo, etc., ce qui lui vaudra d’être cité à l’ordre de la division le 30 mai 1865. La lutte contre les partisans de Juarez appuyés par les Américains dans le Nord du pays est très dure et ne faiblit pas.
Le 1er décembre 1865, il quittait Durango avec 600 libérables pour s’embarquer pour la France à Veracruz. Il débarquera à Brest le 28 mars 1866 après avoir traversé une nouvelle fois tout le Mexique d’ouest en est et… l’Atlantique.
Les derniers soldats français quitteront le Mexique en 1867, Maximilien sera fusillé le 19 juillet 1867. La campagne est un échec complet qui sera beaucoup reprochée à Napoléon III.
Le capitaine Rothmann a ramené du Mexique une trentaine de croquis exécutés au crayon, "sur le pouce", pourrait-on dire. Ce sont de petites bandes de papiers d’environ quinze centimètres sur cinq qui remplacent l’instantané photographique qu’il n’a pas pu prendre ; en voici quelques-uns.
Veracruz
Cantonnement de la 13e compagnie à Veracruz

Perote
Le village de Perote

moustiquaire
Dessin du capitaine Rothmann, ou comment
se protéger des moustiques et du "vomito negro"

      L’alors capitaine Rothmann rentrera en France apparemment sain et sauf sans avoir été victime de blessure ou de maladies tropicales. La plus meurtrière, la fièvre jaune connue dans la région sous l’appellation de "vomito negro", le "vomi noir", transmise par les moustiques, a tué plus de militaires français que les partisans. Environ 20 % des personnels du corps expéditionnaire, qui comptait 30 000 hommes, ne sont pas revenus du Mexique.