Pour aller à Suresnes ou bien à Charenton,
Tout le long de la Seine, on passe sous les ponts.
Pendant le jour, suivant son cours,
Tout Paris en bateau défile
L’ cœur plein d’entrain, ça va, ça vient,
Mais l’ soir, lorsque tout dort tranquille…
Sous les ponts de Paris, lorsque descend la nuit,
Tout’s sort’s de gueux se faufil’nt en cachette
Et sont heureux d'y trouver un’ couchette
Hôtel des courants d'air, où l'on ne paie pas cher,
L’ parfum et l'eau, c'est pour rien, mon marquis !
Sous les ponts de Paris.
À la sortie d´l´usine, Julot rencontr’ Nini. « Ça va t´il la rouquine ? C´est ta fête aujourd´hui. « Tiens ! Prends c’ bouquet, quelqu’s brins d´muguet, « C´est peu, mais c´est tout’ ma fortune, « Viens avec moi, j´connais l´endroit « Où l´on n´craint mêm’ pas l´clair de lune. »
Sous les ponts de Paris, lorsque descend la nuit
Comme il n´a pas d´ quoi s´payer une chambrette,
Un couple heureux vient s´aimer en cachette,
Et les yeux dans les yeux, faisant des rêves bleus,
Julot partag´ les baisers de Nini
Sous les ponts de Paris.
Rongée par la misère, chassée de son logis,
L'on voit un’ pauvre mère avec ses trois petits,
Sur leur chemin, sans feu, sans pain,
Ils subiront leur sort atroce.
Bientôt la nuit, la maman dit : « Enfin ils vont dormir mes gosses. »
Sous les ponts de Paris, un’ mère et ses petits
Viennent dormir là tout près de la Seine.
Dans leur sommeil ils oublieront leur peine.
Si l'on aidait un peu, tous les vrais miséreux,
Plus de suicid’s ni de crim’s dans la nuit
Sous les ponts de Paris !
Quand Madelon…
(1914, paroles : Louis Bousquet, musique : Camille Robert)
Quand Madelon…
Pour le repos, le plaisir du militaire,
Il est là-bas, à deux pas de la forêt.
Une maison aux murs tout couverts de lierre, "Aux Tourlourous" c’est le nom du cabaret.
La servante est jeune et gentille
Légère comme un papillon.
Comme son vin son œil pétille,
Nous l’appelons la Madelon.
Nous en rêvons la nuit, nous y pensons le jour,
Ce n’est que Madelon, mais pour nous c’est l’amour !
Quand Madelon vient nous servir à boire,
Sous la tonnelle, on frôle son jupon,
Et chacun lui raconte une histoire,
Une histoire à sa façon.
La Madelon pour nous n’est pas sévère,
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c’est tout l’ mal qu’ell’ sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !
Nous avons tous au pays une payse
Qui nous attend et que l’on épousera.
Mais elle est loin, bien trop loin pour qu’on lui dise
Ce qu’on fera quand la classe rentrera.
En comptant les jours on soupire,
Et quand le temps nous semble long,
Tout ce qu’on ne peut pas lui dire,
On va le dire à Madelon.
On l’embrass’ dans les coins. Elle dit « veux-tu finir… »
On s’ figur’ que c’est l’autr’, ça nous fait bien plaisir.
Un caporal en képi de fantaisie
S’en fut trouver Madelon un beau matin,
Et fou d’amour, lui dit qu’elle était jolie
Et qu’il venait pour lui demander sa main.
La Madelon, pas bête, en somme,
Lui répondit en souriant : « Et pourquoi prendrais-je un seul homme, « Quand j’aime tout un régiment ? « Tes amis vont venir. Tu n’auras pas ma main, « J’en ai bien trop besoin pour leur verser du vin ! »
V’là plus d’une année
Que dans les tranchées
Nos petits soldats,
Loin de tout l’ monde, sont là-bas.
Seuls dans la bataille,
Ils brav’nt la mitraille,
Ils n’ pensent plus à rien
Qu’à tirer sur ces sal’s Prussiens.
Mais quand ils sont au r’pos
Et qu’ils n’ont plus d’ flingot
Couchés sur l’ dos,
À nos poilus qui sont su’ l’ front
Qu’est-c’ qu’il leur faut comm’ distraction ?
Une femme, une femme !
Qu’est-ce qui leur f’rait gentiment
Passer un sacré bon moment ?
Une femme, une femme !
Au lieu d’ la sal’ gueul’ des Allemands,
Ils aim’raient bien mieux certain’ment
Une femme, une femme !
Cré bon sang ! Qu’est-c’ qu’y donn’raient pas
Pour t’nir un moment dans leurs bras
Une femme, une femme !
Quand, en ribambelle,
Ils bouff’nt la gamelle,
C’est vite avalé
En deux temps, ça n’a pas traîné.
Penchés sur la paille,
Allons-y, ils bâillent,
Se f’sant, nous l’ tenons,
Presque tous la mêm’ réflexion.
Et dans ces moments là
À quoi pens’nt-ils tout bas ?
Ne cherchez pas !
À nos poilus qui sont su’ l’ front
Qu’est-c’qu’il leur faut comm’ distraction ?
Une femme, une femme !
Quand ils ont bouffé leur rata,
Qu’est-c’ qu’ils demand’nt comm’ second plat ?
Une femme, une femme !
Sapristi, pour calmer leurs nerfs,
S’il leur arrivait comm’ dessert
Une femme, une femme !
Qu’ell’ soit grande ou petit’, ma foi
Ça fait rien pourvu que ce soit
Une femme, une femme !
Quand, dans la tranchée,
Ils pass’nt la journée
Par les p’tits créneaux
Ils envoient aux Boch’s des pruneaux
Puis ils se reposent
Pensent à des tas d’ choses
Qui leur font, cré nom
Passer dans tout l’ corps des frissons
Avant de s’endormir,
Ils ont dans un soupir
Le mêm’ désir.
À nos poilus qui sont su’ l’ front
Qu’est-ce qu’il leur faut comm’ distraction ?
Une femme, une femme !
Il y a tant d’amoureux là-bas
Qui pourraient faire plaisir à
Une femme, une femme !
À ce moment, c’est l’essentiel
Il faudrait qu’il leur tomb’ du ciel
Une femme, une femme !
Et comme prière du soir
Bon Dieu d’ bon Dieu, fais-nous donc voir
Une femme, une femme !
Quand au bout d´huit jours, le r´pos terminé,
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c´est bien fini, on en a assez,
Personn´ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm´ dans un sanglot,
On dit adieu aux civ´lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s´en va là-haut en baissant la tête.
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau,
Car nous sommes tous condamnés,
Nous sommes les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance !
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement, dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
C’est malheureux d’voir, sur les grands boulevards,
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous, c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu d‘se cacher, tous ces embusqués
F’raient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autres, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur le plateau.
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau !
On n’est pas inutiles,
On n’est pas embusquées,
On a les bras dans l’huile,
On est dures au métier.
Nous avons des ampoules aux mains
Et nous somm’s des femm’s pas fragiles,
C’est nous qui f’sons dès le matin
Des soixant’ quinze ou des cent vingt,
Poussant l’burin !
Nous somm’s les tourneuses d’obus,
Les mômes des poilus,
On n’est pas des duchesses,
On peut nous voir dès le matin
Nous cavaler au turbin.
Et tout le jour à l’atelier
On cisèle l’acier
Comm’ des hommes à la r’dresse.
On peut dir’ qu’ell’s jettent leur jus
Les tourneuses d’obus !
Nous gagnons la brigfaille
Des vieux à la maison.
L’homme est à la bataille,
Il faut bien qu’nous bouffions !!
En donnant la crout’ aux moutards
C’est nous qui faisons la mitraille
Que nos gars envoient aux boch’mards
Pour leur z’y rentrer dans le lard
Ou bien autr’ part !
Quand la guerr’ s’ra finie,
Qu’nos Poilus reviendront,
Notre tâche accomplie,
À la gar’ nous irons.
Nous leur dirons plein’s de fierté : « On va reprendre notre vie, « Reprends ta place à l’atelier, « Nous, les femm’s on r’tourn’ au foyer « Pour te choyer ! »
Nénette et Rintintin
(1918, paroles : Georges Millandy, Musique : René Mercier & Henri Piccolini)
Nénette et Rintintin
Ell’ s’appelait Nénette,
Il s’app’lait Rintintin,
C’était un’ midinette,
C’était un p’tit gamin.
Tous les jours on voyait sur l’mêm’ chemin
Nénette et Rintintin.
Et Rintintin, la tenant par la main,
Lui répétait : « J’ t’aim’ bien, ma p’tit’ Nénétte »
Et la Nénette, avec son air mutin,
Lui répondait : « J’ t’ ador’, mon p’tit Tintin ! »
Un soir, le long d’la Seine
Ils s’ prom’naient tranquill’ment,
Quand v’là l’ cri d’ la sirène
Qui r’tentit subit’ment…
Les sergents d’ vill’ criaient : « Pressons le pas,
« Les goss’s, v’là les Gothas ! »
Mais Rintintin disait : « Oh ! Ça va bien !
« On s’en fait pas pour ça, pas vrai, Nénette ? »
Et la Nénett’ reprenait : « C’est certain :
« On n’a pas peur, nous deux, pas, Rintintin ? »
Mais v’là qu’au coin d’un nuage,
Ils aperçoiv’nt soudain
Un Boch’ qui, d’un virage,
S’am’nait sur eux grand train.
Tous deux pensèr’nt : « Pour sûr il nous a vus,
Ça y est, on est fichus ! »
Mais Rintintin disait : « Ben, c’est l’ destin,
« On va mourir ensembl’ dis, ma Nénette ? »
Et la Nénett’ répondant : « Ça fait rien,
On mourira, tous deux, pas mon Tintin ? »
Derrièr’ ses gross’s lunettes,
Roulant d’affreux calots,
L’ Boche allait, la sal’ bête,
Les tuer, les pauvr’s loupiots,
Lorsque l’ gamin lui cria : « Hé ! fourneau !
« Acré ! V’la Clémenceau… »
La d’ssus v’la l’ Boch’ qui r’tourne son machin,
Sans prendre l’temps d’fair’ du mal à Nénette,
Et v’la l’grand lâch’ qui fil’ comme un lapin,
Sans pouvoir tuer Nénett’ ni Rintintin.
Bientôt, car tout s’ répète,
On connut c’t’ histoir’-là,
Qu’ Rintitin et Nénette
Faisaient peur aux Gothas
C’est d’puis c’ temps-là qu’ les femm’s, pour parer l’ coup,
Les portent à leur cou !
Allons, mesdam’s, qui n’a pas son pantin,
Son p’tit fétich’, son Tintin, sa Nénette ?
Ça s’ fait en laine, en coton, en satin.
Oui, qui n’a pas Nénette et Rintintin ?
Nous n'avons hélas pas trouvé d'enregistrement corrrespondant à cette version de la chanson
C’est le Poilu(composée par les Poilus de Yerres)
(1918 ?, paroles : Roger Pelletret, musique : Maurice Gossiôme)
C’est le Poilu
Quand sonnaient les heures d’alarmes,
Quand, écrasés, nos frères d’armes
Fuyaient devant l’envahisseur,
Quell’s sont ces glorieuses cohortes
Venues pour leur prêter main-forte,
Qui enrayaient le flot vainqueur ?
Résolument, bravant la mort,
Toujours prêt pour le grand effort.
C’est le Poilu, soldat de France,
Qui sur la brèche se dressait.
L’allié connaissait sa vaillance.
En son cœur l’espoir renaissait.
C’est le Poilu, soldat de France,
Qui sur la brèche se dressait.
Qui rachetait les défaillances ?
C’est le Poilu, le p’tit soldat français !
Et durant ces heures tragiques
Le profiteur repus, cynique,
Fréquentait la boîte de nuit.
À lui les veillées érotiques
Et les tangos épileptiques,
À lui la gaieté et les ris.
Ah ris toujours ! ah ris encore !
Quelqu’un pour toi brave la mort.
C’est le Poilu, soldat de France
Qui au créneau là-bas veillait,
Son corps rompu à l’endurance
Sous la rafale se courbait.
C’est le Poilu, soldat de France.
Qui au créneau là-bas veillait
Sur tes nuits d‘orgies de bombances ?
C’est le Poilu, le p’tit soldat français !
Vous, renégats, rois des bassesses,
Traîtres soldés dont les prouesses
Illustrèrent la Haute Cour !
Vous avez souillé notre histoire,
Vous avez maculé la Gloire
Pour de l’or ou de vils amours.
De ce marché, trafic sans nom,
Qui donc a payé la rançon ?
C’est le Poilu, soldat de France,
C’est le Poilu qui s’immolait.
Vous avez vendu vos consciences,
De son sang il les rachetait.
C’est le Poilu, soldat de France,
C’est le Poilu qui s’immolait.
Celui dont le sang crie vengeance,
C’est le Poilu, le p’tit soldat français !
Sur cette butte-là y'avait pas d'gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah c'était loin du Moulin d'la Galette,
Et de Paname qu'est le roi des patelins.
C'qu'elle en a bu du bon sang cette terre,
Sang d'ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents !
La butte rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin,
Qui boira d'ce vin-là, boira l'sang des copains.
Sur cette butte-là on n'y f'sait pas la noce
Comme à Montmartre où l'champagne coule à flots,
Mais les pauvr's gars qu'avaient laissé des gosses
Y f'saient entendre de terribles sanglots.
C'qu'elle en a bu des larmes cette terre,
Larmes d'ouvriers et larmes de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !
La butte rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin,
Qui boit de ce vin-là, boit les larmes des copains.
Sur cette butte-là, on y r'fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons.
Filles et gars doucement qui échangent
Des mots d'amour qui donnent le frisson.
Peuv’nt-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,
J'ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé !
La butte rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains…